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Les films d'époque représentent cette année une part écrasante des candidats à l'Oscar du meilleur film, preuve pour certains qu'Hollywood se réfugie dans "la nostalgie du passé", tandis que d'autres professionnels de l'industrie n'y voient qu'une "simple coïncidence".
Sur les neuf films en lice pour la statuette la plus convoitée de la soirée, seuls trois se déroulent au 21e siècle: "The Descendants", "Extrêmement fort et incroyablement près" et "Le stratège" -- ce dernier remontant cependant à 2001. Tous les autres sont fermement ancrés dans le 20e siècle, de la première guerre mondiale ("Cheval de guerre") aux luttes pour les droits civiques des années 60 ("La couleur des sentiments"), en passant par la fin du cinéma parlant à Hollywood ("The Artist"), Paris dans les années 20 et 30 ("Minuit à Paris" et "Hugo Cabret"), et les années 50 aux Etats-Unis ("The Tree of Life", qui fait même quelques détours par la naissance du monde et les dinosaures). "Ce n'est pas une coïncidence", assure à l'AFP Brent Simon, président de l'Association des Critiques de Film de Los Angeles (LAFCA). "Je pense qu'il est beaucoup plus facile (de produire des films) qui expriment une sorte de nostalgie. Les studios pensent qu'il seront mieux reçus par le public". "L'un des avantages de raconter une histoire du passé, c'est que vous avez déjà une connaissance de l'évolution de la société" où se déroule le film, explique à l'AFP Brunson Green, le producteur de "La couleur des sentiments". "Cela donne plus de poids et cela touche le public de façon différente". Dans son film, une employée domestique noire décide de révéler la façon dont elle est exploitée, pavant le chemin de la lutte pour les droits civiques dans les années 60. "Cette histoire résonne en chaque spectateur, car nous nous sommes tous interrogés un jour sur notre place dans le monde", dit-il. Jason E. Squire, écrivain et professeur à l'Ecole de cinéma de l'Université de Californie du Sud (USC) à Los Angeles, voit plutôt "une coïncidence" dans la prédominance des films d'époque en compétition cette année. "Il est tentant de philosopher là-dessus. On pourrait dire que cela révèle l'état économique de notre époque, avec des pays qui se débattent encore pour retrouver leur santé économique, provoquant une nostalgie du passé. Mais je ne suis pas sûr que ce soit vrai", déclare-t-il à l'AFP. "Il n'y a jamais eu de volonté, de la part des responsables de studios, de produire en priorité des films d'époque. En fait, si vous regardez les films produits ces dix dernières années, les films d'époque sont certainement minoritaires", observe-t-il. Kathleen Kennedy, productrice de "Cheval de guerre" et de tous les films de Steven Spielberg depuis "E.T., l'extra-terrestre", approuve. "Je pense que c'est une coïncidence, même si elle peut paraître étrange", déclare-t-elle à l'AFP. "Avec le temps qu'il faut pour développer et créer un film, il était très improbable que (les films d'époque) puissent se concentrer cette année comme ils l'ont fait". "Je pense que nous ne reverrons pas cela avant longtemps", ajoute-t-elle. En 2011, sur les 10 candidats à l'Oscar du meilleur film, seuls deux étaient des films d'époque: "True Grit" et le vainqueur, "Le discours d'un roi". M. Simon insiste sur le peu d'entrain des studios hollywoodiens à aborder les sujets contemporains, préférant adapter des bandes dessinées ou tourner de nouvelles versions de films cultes ("remake"), leur donner une suite ("sequel") ou remonter aux origines de l'histoire ("prequel"). "Qu'on les aime ou pas, des films comme +The Descendants+ ou +Le stratège+ ont quelque chose à dire sur notre époque. J'aimerais qu'il y en ait davantage", dit-il: "Pour moi, Hollywood fuit ses responsabilités".
