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Alors que certains enfants doivent parfois attendre plusieurs années avant d'être adoptés, les députés examinaient jeudi une proposition de loi visant à réduire ces délais mais aussi à mieux préparer les parents candidats à l'adoption.
"Il y a aujourd'hui 120.000 enfants qui sont placés en famille d'accueil ou en institution", rappelle la députée UMP Michèle Tabarot, à l'initiative du texte, et présidente du Conseil supérieur de l'adoption.
"La majorité d'entre eux retrouveront leur famille mais pour un certain nombre d'entre eux, dans quelques années, on estimera qu'il faut une décision judiciaire d'abandon et donc ils seront adoptables", poursuit-elle, interrogée par l'AFP.
Les enfants sont considérés comme "adoptables" quand "ils n'ont pas ou plus de parents" (orphelins, abandon), quand leurs parents "ont consenti à leur adoption" (accouchement sous X, consentement à l'abandon), ou encore quand la justice "a déchu les parents de leur statut de parent (par retrait de l'autorité parentale ou par déclaration judiciaire d'abandon)", résumait Jean-Marie Colombani dans un rapport sur le sujet en 2008, qui a inspiré une partie des dispositions du texte examiné jeudi.
"Aujourd'hui, un enfant placé passe en moyenne six ans avant de bénéficier d'une décision judiciaire d'abandon. On veut raccourcir ces délais pour que ces enfants aient la possibilité d'être adoptables plus jeunes", poursuit Mme Tabarot.
Le texte propose aussi de supprimer la notion de délaissement "manifeste" des parents dans l'article 350 du Code civil, jugé trop subjectif, et précise cette notion de délaissement.
Alors qu'environ 200 enfants sont déclarés adoptables chaque année après déclaration judiciaire d'abandon, "on estime que 300 enfants supplémentaires pourraient être adoptés par an" en examinant plus vite et plus régulièrement leur situation, ajoute l'élue.
On compte environ 4.000 adoptions en France par an, dont 20% sont nés en France, quand environ 28.000 familles détiennent un agrément et attendent un enfant. Non seulement assez peu d'enfants sont adoptables en France mais les possibilités d'adopter à l'étranger se réduisent depuis plusieurs années.
Le texte prévoit aussi d'améliorer la préparation et l'information des candidats.
Le texte devrait être voté par tous les groupes parlementaires, mais ne fait pas l'unanimité parmi les spécialistes de la question.
ATD Quart Monde, qui vient en aide aux personnes précaires, craint que l'on en vienne à déclarer abandonnés des enfants au seul prétexte des difficultés matérielles des parents.
Pierre Levy-Soussan, psychiatre spécialiste de l'adoption, dénonce lui la volonté de lier délaissement parental, abandon et adoption.
"L'article 350 est fait pour protéger les enfants. C'est très maladroit, et même stupide, de le lier à l'adoption. Ce sont deux questions différentes", juge-t-il, interrogé par l'AFP, dénonçant une approche "quantitative plutôt que qualitative".
Le médecin dénonce aussi l'obtention trop facile à ses yeux de l'agrément, à laquelle le texte ne s'attaque pas: "On ne sélectionne pas assez les candidats".
Pour Geneviève Miral, présidente d'Enfance et Familles d'adoption, qui se présente comme la plus grosse association d'adoptants, le texte n'est qu'un "saupoudrage de mesures".
Elle déplore surtout que la préparation des parents candidats, fondamentale, ne soit prévue qu'à titre expérimental.
"Environ un tiers des prétendants à l'adoption ne pourront pas adopter car leur projet ne correspond pas à la réalité des enfants adoptables" (enfants déjà âgés de quelques années, porteurs de handicap...), souligne-t-elle.
Le texte devra aussi passer devant les sénateurs, a priori avant l'été.
