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"The War": documentaire-choc de quatorze heures sur une guerre "intime"

"Nous ne voulions pas que le film s'arrête", dit Ken Burns, cinéaste américain qui signe "The War", exceptionnel documentaire de quatorze heures qui raconte la Seconde guerre mondiale via un kaléidoscope de récits intimes, ceux de gens ordinaires dévoilé au Festival de Cannes.

Avant sa diffusion en sept épisodes sur la chaîne américaine PBS à partir du 23 septembre et l'édition d'un livre aux Etats-Unis, "The War", co-produit par sa complice Lynn Novick, est montré par tranches en avant-première mondiale à Cannes, mardi et mercredi hors compétition.

Son originalité est de faire raconter "leur" guerre aux habitants de quatre villes des Etats-Unis: Mobile en Alabama, Sacramento en Californie, Waterbury au Connecticut et Luverne, dans le Minnesota.

Les vétérans y évoquent quelque quarante batailles, des Vosges à Guadalcanal ou Okinawa, leurs familles y racontent la peur et l'attente du retour des êtres chers, et Ken Burns compose un bouleversant kaléidoscope de tragédies humaines.

"On s'attache à ces gens", dit Ken Burns à l'AFP, "comme ce sont des inconnus, des gens ordinaires, on établit avec eux un lien intime, comme avec un grand-père ou un grand-oncle".

"Je me sens privilégié d'avoir été admis dans leur vies. A chaque fois qu'ils ouvraient la bouche nous apprenions sur la guerre, des choses horribles, héroïques, tristes, intimes... c'était un cadeau et une obligation à la fois".

"Je pensais tout savoir de la Seconde guerre mondiale... je ne savais rien", dit le cinéaste, visiblement ému sous son air juvénile, à 53 ans.

"Aujourd'hui j'ai appris des choses sur cinquante êtres humains que je n'avais jamais rencontrés auparavant, mais évidemment, l'ensemble dépasse la somme des parties, et c'est là ce qui m'intéressait, ce +je ne sais quoi+ impossible à décrire. C'est comme la musique: ce qui compte, ce n'est pas de répéter les notes, mais la façon dont on les joue", dit-il.

Ken Burns a signé en 30 ans de remarquables documentaires-épopées tels que "Baseball", qui retrace l'histoire du baseball en 18 heures, "The Civil war" (1990), primé plus de quarante fois, sur la guerre civile américaine, ou "Jazz" (2001), plongée de 19 heures dans l'histoire du jazz.

Si d'ordinaire il "quitte un film sans problème", après s'être immergé plusieurs années dans des milliers de documents et des centaines d'heures d'interviews, "cette fois, c'est plus difficile", dit Ken Burns.

"Nous ne voulions pas que le film s'arrête, comme les soldats eux-mêmes qui, des années après ont besoin de se revoir. C'est le paradoxe de la guerre, on vit sa vie plus pleinement que jamais, parce qu'on risque de perdre cette vie à tout moment, et l'on a besoin de revoir les gens avec qui on a vécu cela".

Si "The War" rend hommage à la bravoure et aux sacrifices vécus par toute une génération d'Américains, il met aussi l'accent sur des aspects moins glorieux du conflit, tels la rigide ségrégation raciale appliquée dans les forces armées. Même le sang destiné aux transfusions sanguines était trié: celui des Blancs d'un côté, celui des Noirs de l'autre.

"Il y a une hypocrisie, de la part des Etats-Unis, à proclamer partout sur le globe que les hommes sont égaux, tout en étant incapables de l'appliquer chez soi", dit-il. "Vos banlieues (en France) ont brûlé à cause de cette hypocrisie. Nos banlieues et nos centre-villes aussi".

"Depuis 30 ans, je me sers de mes films pour raconter une histoire de l'Amérique qui n'a pas été dite, pour que mon pays rende des comptes pour ses péchés", conclut Ken Burns.

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