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Entre son premier grand récital à Paris et ses débuts aux Chorégies d'Orange (Vaucluse), la jeune soprano Nathalie Manfrino aura connu une année 2010 dense, largement consacrée au répertoire lyrique français, dont elle collectionne les raretés.
Après une prestation à la Salle Pleyel en avril, la chanteuse retrouvera vendredi soir la série Les Grandes Voix (20h00) au Théâtre des Champs-Elysées en compagnie du ténor vedette Roberto Alagna, son beau-frère, dans des extraits de "Roméo et Juliette" de Charles Gounod.
Ce même compositeur l'accompagnera ensuite au théâtre antique d'Orange pour de doubles débuts les 4 et 7 août : au pied du mur romain et dans le rôle-titre de "Mireille".
"Orange, c'est un accomplissement dans une carrière de chanteuse lyrique, surtout quand on y chante un rôle-titre", explique à l'AFP cette trentenaire enthousiaste et spontanée.
"Je suis consciente que c'est un truc énorme mais j'ai beaucoup bossé, c'est un risque calculé", ajoute celle qui fut sacrée "révélation artiste lyrique de l'année" aux Victoires de la musique classique 2006.
Pour préparer ce rôle considéré comme l'un des plus éprouvants de l'opéra français, avec cette fameuse scène de la Crau qui a effrayé plus d'une soprano, Nathalie Manfrino a pris conseil auprès d'Andréa Guiot, 82 ans, grande interprète de Mireille dans les années 1960-70, notamment à Orange.
"Elle m'a reçue par amitié, par gentillesse. C'est passionnant. Elle m'a dit: +je vais te passer le flambeau+", dit avec fierté la jeune et blonde chanteuse, qui savoure l'honneur qui lui a fait cette "grande dame".
Nathalie Manfrino espère mettre ses pas dans ceux des chanteurs français (le ténor Alain Vanzo, le baryton Robert Massard...) qui ont donné ses lettres de noblesse à l'opéra français du XIXe siècle, passé de mode depuis une trentaine d'années.
Elle a ainsi choisi de consacrer son premier disque, paru en 2008 sous la prestigieuse étiquette du label Decca (Universal), à des "French Heroines" (en anglais dans le texte), un florilège d'airs servis par une diction claire et un timbre de soprano lyrique déjà épanoui.
Sur scène, elle ne se contente pas des célèbres Mélisande (Debussy), Marguerite ("Faust" de Gounod), Manon (de Massenet) ou Sophie ("Werther" du même compositeur). Elle revêt aussi les habits moins souvent portés de Leïla ("Les Pêcheurs de perles" de Bizet), Rozenn ("Le Roi d'Ys" de Lalo), Roxanne ("Cyrano de Bergerac" d'Alfano, aux côtés de Roberto Alagna ou Placido Domingo) et, la saison prochaine, de la "Lodoïska" de Cherubini.
"C'est important de remettre ce répertoire au goût du jour: il y a une beauté du chant français, une façon de +dire+ le texte, le français est une langue noble", estime la soprano.
"Je pense qu'on a eu honte de ce répertoire, peste-t-elle avec son franc parler. On a un problème en France, une sorte de snobisme qui fait que tout ce qui vient de l'étranger est mieux". Nathalie Manfrino le constate dans les distributions: "J'ai beaucoup d'amis qui ont du mal à trouver du boulot alors qu'ils sont au niveau des chanteurs étrangers recrutés pour les même rôles".
La chanteuse regarde aussi vers l'Italie. Les rôles verdiens de Gilda ("Rigoletto") et Desdémone ("Otello") l'attendent. Quant au disque, elle aimerait y enregistrer un programme autour des "Italiens et la France", avec des airs de Verdi, Rossini, Alfano... Histoire d'honorer sa double culture, italienne par son père et maternellement française.
