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Cameroun: face au déclin des salles, des cinéastes tentent le vidéo CD

Face à la faillite des salles, des cinéastes camerounais expérimentent la diffusion de leurs oeuvres sur disque compact vidéo (VCD), support plus abordable et plus accessible, pour conquérir un public friand de films locaux mais confronté à la cherté de la vie.

Un ordinateur muni d'un graveur de CD permet de fixer l'oeuvre sur un VCD.

"En produisant en quantité et à moindre coût, nous allons conquérir le marché car le public est demandeur", assure à l'AFP Joséphine Ndagnou, comédienne-réalisatrice ("Paris à tout prix").

"Le déclin des salles ne saurait être un obstacle à la production et à la circulation des films", dit-elle.

Au Cameroun, les derniers cinémas qui avaient résisté à la concurrence de la télévision et de la vidéo - L'Abbia à Yaoundé et Le Wouri à Douala (sud) - ont fermé en janvier, en raison de difficultés financières selon les propriétaires.

Ces salles étaient "mal gérées, mal entretenues", fustige Narcisse Mbarga, monteur passé derrière la caméra, qui n'a cependant pas attendu cette faillite des salles pour proposer ses oeuvres sur VCD et DVD, visant un marché "florissant et prometteur".

M. Mbarga ("Loving you") a créé en 2004 une maison de distribution de films sur ces supports et affirme à l'AFP avoir vendu, depuis, quelque 40.000 exemplaires de quatre films.

"Nous avons adopté une stratégie agressive consistant à aller vers le public là où il se trouve (...) et non l'inverse comme ça a souvent été le cas", dit ce jeune Camerounais dont le point de vue était partagé par plusieurs professionnels conviés à un colloque sur l'avenir du cinéma lors du 13e festival de cinéma "Ecrans noirs" qui s'achevait samedi à Yaoundé.

Pour une séance au cinéma dans des conditions généralement inconfortables, le ticket coûtait en moyenne 1.500 FCFA (2,28 euros). Pour le même prix, on peut se procurer un film sur VCD, le regarder autant de fois que souhaité sur un ordinateur ou sur un lecteur approprié chez soi.

Aucune statistique n'est disponible, mais on semble avoir opté depuis longtemps pour le VCD au Cameroun.

A en croire le Burkinabè Idrissa Ouédraogo ("Samba Traoré"), rencontré à Yaoundé, la même situation prévaut ailleurs en Afrique, faute de véritable marché du cinéma, d'oeuvres de qualité et pour compenser le faible pouvoir d'achat des populations.

"Il y a un nouveau mode de consommation des images à prendre en compte: les gens préfèrent regarder les films à la maison", souligne Robert Minangoy, attaché audiovisuel de l'ambassade de France au Nigeria.

Si la diffusion de films sur VCD est une opportunité à saisir pour les cinéastes locaux, elle n'est pas sans conséquence, notent cependant des professionnels, en mettant l'accent sur le piratage.

Pour le Cameroun, la proximité avec le Nigeria présente des avantages mais aussi des inconvénients. Le grand voisin anglophone lui permet de multiplier les VCD à des prix insignifiants et de les revendre à prix modique sur son marché, mais "Nollywood" l'inonde aussi de sa production (environ 2.400 films/an) et de copies pirates.

Selon le réalisateur Arthur Sibita ("La guitare brisée"), un des doyens du cinéma camerounais, la diffusion sur VCD n'est pas à négliger. Cependant, estime-t-il, il faudrait "repenser le système de l'exploitation des films en salles en conciliant l'intérêt de tous les intervenants de la filière. C'est ce qui a le plus manqué jusqu'à présent".

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