Partager:
Une réjouissance pour l'oeil: l'exposition "Monet et l'abstraction", au musée Marmottan, marie des toiles de Monet avec celles de certains artistes abstraits, comme les expressionnistes américains de l'après-guerre, afin de pointer la modernité du maître impressionniste.
A travers une quarantaine de tableaux, les commissaires se sont attachés à mettre en évidence des similitudes entre les oeuvres tardives de Claude Monet (1840-1926) et des tableaux de Mark Rothko, Jackson Pollock, Joan Mitchell, Sam Francis ou encore Jean Bazaine ou Maria Elena Viera da Silva.
L'exposition, qui se tient jusqu'au 26 septembre à Paris, a été co-produite par le musée Thyssen-Bornemisza de Madrid, qui l'a présentée de février à mai dans la capitale espagnole.
"Elle permet de redécouvrir Monet comme un précurseur de la modernité", souligne Paloma Alarco, directrice du département des peintures du musée Thyssen-Bornemisza et commissaire de l'exposition. Une thèse déjà bien explorée par les historiens de l'art mais qui trouve ici une nouvelle illustration.
A la fin de sa vie, le vieil homme, qui ne quitte plus Giverny, est rejeté ou au mieux ignoré par les avant-gardes artistiques de son époque, souligne la commissaire. Affecté par de graves troubles de la vue, Monet se consacre jusqu'au bout aux grands panneaux des "Nymphéas" qu'il a décidé d'offrir à l'Etat.
Vassily Kandinsky (1866-1944) est "l'un des premiers à interpréter Monet d'un point de vue abstrait", relève Mme Alarco. En 1895, alors que le peintre d'origine russe visite une exposition à Moscou, il tombe en arrêt devant un tableau de Monet.
"C'était une meule de foin, selon le catalogue. Je ne l'avais pas reconnue. Et de ne pas la reconnaître me fut pénible (...) Je sentais confusément que l'objet faisait défaut", a raconté Kandinsky, un des fondateurs de l'abstraction, en soulignant la façon dont le tableau s'était alors "emparé" de lui.
L'exposition présente une de ces "Meules" peintes en série, au fil des heures et des saisons. A côté d'elle, un magnifique Kandinsky de 1914, "Image avec trois taches", qui appartient au musée Thyssen-Bornemisza.
Mais ce n'est que vers 1950 que Monet est véritablement redécouvert lorsque les chefs de file de l'expressionnisme abstrait américain jettent un nouveau regard sur son oeuvre, relève la commissaire.
L'emblématique "Impression, soleil levant" de 1873 est marié le temps de l'accrochage parisien à une huile de Mark Rothko. Le vermillon du soleil qui se reflète sur l'eau semble avoir trouvé un écho amplificateur dans les aplats rouges du peintre américain.
De la touche libérée de Monet, on glisse vers le geste de Jackson Pollock. "Le Pont japonais" (1918) de Giverny cotoie des gouaches du peintre américain.
Mais c'est Joan Mitchell qui "s'est approchée le plus des dernières abstractions lyriques" de Monet, considère Mme Alarco. Fascinée par le peintre français, l'artiste américaine était allée jusqu'à s'installer en 1967 à Vétheuil où Monet avait vécu 90 ans plus tôt.
Dans son oeuvre "Peinture" (1956-1957), les correspondances avec des "Nymphéas" de 1917 semblent couler de source.
Quant à Sam Francis, il avait déclaré, peu après son arrivée à Paris au début des années 1950, qu'il faisait du "Monet tardif pur".
("Monet et l'abstraction" jusqu'au 26 septembre. Musée Marmottan. 16è arrondissement de Paris.
Catalogue bilingue français-anglais édité chez Hazan. 176 pages. 60 illustrations.
