Partager:
Samedi et dimanche sur les plaines de Waterloo, en Belgique, la Grande Armée de Napoléon s'est de nouveau frottée aux forces anglaises, hollandaises et prussiennes. 1.200 passionnés d'histoire ont bivouaqué avant d'entamer les manoeuvres vers la déroute française.
Au quartier général français, hameau de tentes blanches, l'heure est au ravitaillement. Les hommes reçoivent leurs rations dans des gamelles tendues par les cantinières.
Parmi eux, un Anglais, Graham Towers, passé depuis longtemps dans le camp adverse. "Je préfère la stratégie et les tactiques militaires des troupes napoléoniennes", confie ce membre d'une association napoléonienne, imperméable au culte voué par ses compatriotes au duc de Wellington.
Il part à l'inconnu et suivra les ordres des officiers, les seuls à avoir mémorisé le script des scènes de combat.
"Je ne peux pas être plus proche de l'ambiance de l'époque. Mais ne me demandez pas de passer mon temps à faire du bivouac. L'espérance de vie des soldats napoléoniens n'était pas bonne", ajoute ce quarantenaire qui participe à des reconstitutions depuis ses 16 ans.
Voici une semaine, il combattait en Bavière à Eggmühl. Son passe-temps dévorant l'a aussi entraîné dans les champs d'Austerlitz ou d'Iena. Des batailles remportées par les troupes napoléoniennes, contrairement au sanglant rendez-vous de Waterloo, qui durera dix heures le 18 juin 1815.
C'est l'ultime bataille pour Napoléon, qui part en exil sur l'île de Sainte-Hélène, et pour Wellington, propulsé vers la gloire.
"Jetez les assiettes on y va!", lance une voix tonitruante. "Je suis prêt à aller attaquer les Rosbifs", répond Nicolas Margolle, chauffeur de poids-lourds dans une autre vie, qui vérifie son fusil modèle empire, une copie parfaite.
Le Français boit un coup de goutte et entonne une chansonnette avec ses camarades: "je mets mon espoir dans le pinard, je suis sûre de ma cirrhose, oo, se...".
Les bicornes en feutre des officiers se mêlent aux shakos coniques de l'infanterie de ligne. Plus loin, la garde impériale, en chapeaux poilus, salue l'arrivée à cheval de Napoléon en criant "Vive l'empereur!"
Lucien-Charles Plé, un médecin généraliste, arbore un long manteau bleu de chirurgien de régiment. Il sait qu'il va mourir.
Comme beaucoup des combattants du jour, sa passion pour l'histoire englobe aussi les deux guerres mondiales. Dans la nuit du 5 au 6 juin, il a débarqué en Normandie dans "un vrai" costume de médecin américain, "un moment émouvant".
Avant de venir à Waterloo, il s'est plongé dans ses livres. Mais "ici dans les odeurs de paille et le crottin de cheval, c'est en trois dimensions", explique, ému, ce collectionneur d'objets Empire.
Ses bottes en cuir rigide sont inconfortables, d'autant qu'il a cousu un rabat pour mieux coller aux modèles d'antan. De quoi mieux se glisser dans la peau d'un soldat.
Sur le champ de bataille, les 1.200 figurants venus de toute l'Europe se toisent enfin et démarrent les hostilités. Une centaine de cavaliers partent au galop sabre au vent. Les coups de feu sont nourris mais les grognards avancent en hurlant.
Face aux Français aguerris (74.000 hommes en 1815), des alliés animés par la vengeance (67.000 hommes): des soldats anglais, aidés par des mercenaires allemands, des Hollandais et des Prussiens.
Près de 12.000 tués à l'époque, des cadavres de milliers de chevaux, des blessés secourus trois jours plus tard... Waterloo sera un spectacle d'horreur.
Pour les figurants du weekend, fatigués mais ravis, c'est l'heure du repli. Appréciation d'un Michael ressuscité: "les Anglais étaient solides cette année, ils n'ont pas cédé un mètre".
