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Que reste-t-il de l'esprit "Charlie", 5 ans après les attentats?

Après les attentats, le dimanche 11 janvier 2015, 4 millions de personnes défilaient dans les rues de Paris. Elles étaient "Charlie". Elles défendaient liberté d’expression. Cinq ans plus tard, que reste-t-il de cet esprit Charlie ? Comment les journalistes de Charlie travaillent-ils et vivent-il ?

Au lendemain des attentats, 8 millions d’exemplaires de Charlie Hebdo seront vendus. En quelques jours, le nombre d’abonnés est passé de 30.000 à 240.000. Les dons ont afflué. Les revenus post-attentats ont avoisiné les 15 millions d’euros. Malgré cette élan de solidarité, aujourd'hui, l’adresse du journal est l’un des secrets les mieux gardés de Paris. Certains journalistes sont protégés en permanence par des policiers. "Vivre avec des officiers de sécurité, ça change complètement la vie. Se rendre compte de ce que ça veut dire d'aller acheter sa baguette de pain ou d'aller essayer des chaussures ou des vêtements avec eux, c'est clair que ça change tout. Et ce qui change profondément, en réalité, c'est la spontanéité. Tout doit être organisé, programmé et prévu à l'avance", explique Marika Bret, responsable des ressources humaines de Charlie Hebdo.

Cependant, les mesures de sécurité permettent aux journalistes et dessinateurs de continuer leur travail, comme l’explique Gérard Briard, rédacteur chef Charlie Hebdo: "Ça faisait un peu bizarre au début, et puis maintenant, c'est notre rédaction. Une fois qu'on a passé les portes blindées, on est à l'intérieur de notre rédaction, on a créé notre univers". 

"Les cons insultent, les salauds menacent et les fanatiques passent à l'action"

Alors que 4 millions de Français défilaient dans les rues de Paris le 11 janvier 2015 et disaient "être Charlie", aujourd'hui, les menaces de mort continuent d’affluer à la rédaction. "On n'a jamais cessé d'en recevoir, en réalité, parce que Charlie a continué à faire son job de Charlie, a continué a parler d'actualité, à émettre des opinions, avec ce langage satirique qui peut déplaire, évidemment que ça peut déplaire, qui peut déranger, heurter et choquer. Simplement, au lieu de dire, je suis dérangé, je suis heurté, je suis choqué, et de dire pourquoi, les cons insultent, les salauds menacent et les fanatiques passent à l'action", réagit Marika Bret.

"Ce qui m'inquiète le plus dans ce sondage, c'est les 18-25 ans"

On l’entend, Charlie Hebdo n’a pas modifié sa ligne éditoriale. Aujourd'hui, 50% des Français sont défavorables au droit de critiquer, même de manière outrageante, une croyance, un symbole ou un dogme religieux (Sondage ifop, février 2019). "Ce qui m'inquiète le plus dans ce sondage, c'est les 18-25 ans, qui sont déjà dans le ressenti, ce que j'appelle la tyrannie du ressenti, cette tyrannie qui voudrait vous empêcher de parler de tout sujet, justement", ajoute la DRH de Charlie Hebdo.

Cinq ans après les attentats, dans un numéro spécial, Riss, le co-directeur de Charlie déplorait lui la montée d’une nouvelle forme de censure : "Hier, on disait merde à Dieu, à l'armée, à l'Église, à l'État. Aujourd'hui, il faut apprendre à dire merde aux associations tyranniques, aux minorités nombrilistes, aux blogueurs et blogueuses qui nous tapent sur les doigts comme des petits maîtres d'école".

"La leçon n'a pas été apprise"

Pour la journaliste Zineb El Rhazoui, qui a depuis quitté la rédaction de Charlie Hebdo, la liberté d’expression reste menacée. "Aujourd'hui, cette liberté a été perdue en France. Elle existe encore sur papier, mais faites-le à vos risques et périls, de dessiner le prophète. Et puis, la presse internationale est aussi dans la même situation. Regardez le New York Times ou des grands journaux qui ont été d'une lâcheté totale sur cette question-là. Donc non, la leçon n'a pas été apprise, malheureusement", estime-t-elle.

"Il faut qu'il dure au moins encore 50 ans"

Aujourd'hui, 25.000 exemplaires de Charlie Hebdo sont vendus chaque semaine. Malgré ces constats et malgré les menaces, les journalistes continuent de travailler sans relâche. "Ça fera 50 ans à l'automne, que Charlie Hebdo existe. Il faut qu'il dure au moins encore 50 ans", espère Gérard Briard, rédacteur en chef Charlie Hebdo.

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