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Des habitants d'Annapolis étaient vendredi sous le choc après la mort, sous les balles d'un tireur, de cinq salariés du journal local Capital Gazette, considérés comme des "voisins" et des "amis".
Le drame a secoué la capitale du Maryland, à une heure de Washington, une cité paisible et touristique de moins de 40.000 habitants où les gens se sentent en sécurité.
Un petit mémorial a vu le jour à l'entrée de l'allée qui mène aux locaux du journal, dans une zone commerciale sans âme qui ressemble à des milliers d'autres dans le pays.
Entre les banques, les grandes enseignes et les restaurants, la zone est bloquée par des cordons de police.
Des bouquets de fleurs, un ourson en peluche, des ballons de baudruche ont été déposés, à côté d'un T-shirt rose sur lequel est écrit: "Quelle partie de +Tu ne dois pas+ vous ne comprenez pas?", en référence aux dix commandements. Une pancarte "Naptown Strong", le surnom de la ville, rappelle les slogans créés après les fusillades sanglantes de Las Vegas en 2017 (58 morts) et du lycée de Parkland en Floride en février (17 morts).
Christine Feldmann, des fleurs à la main, se recueille quelques minutes. Elle connaissait plusieurs victimes car elle était régulièrement en contact avec les salariés du quotidien dans le cadre d'opérations de promotion.
"Les gens qui travaillaient ici étaient nos amis, nos voisins, nos collègues, dont c’est comme si une partie de nous avait également été emportée avec eux", dit-elle, la voix tremblante d'émotion.
"Ce journal représentait tout ce qu’il y a de mieux dans ce pays: la démocratie et la communauté. Et de penser que quelqu’un voudrait essayer d’arrêter ça et de tuer cinq personnes innocentes, c’est juste abominable et ça me fait me sentir assez désespérée, malheureusement", ajoute cette responsable des bibliothèques publiques du comté.
Jeudi, Jarrod Ramos a ouvert le feu dans la salle de rédaction du quotidien contre lequel il avait une rancune tenace.
- "On est de retour" -
Mike Driscoll, 64 ans, a aussi été touché au coeur car il a travaillé quelques années pour le Capital Gazette, au service administratif puis comme pigiste.
"Je ne pense pas que je connaisse encore quelqu'un là bas, mais même, (c'est) comme si j’avais perdu ma famille", dit-il, une fleur en pot à la main.
Au centre de la station balnéaire, digne d'une carte postale avec ses rues pavées et ses bâtiments en brique rouge, Diann Alaiz se dit "sous le choc" car "Annapolis est une ville où on se sent en sécurité".
Gérante d'un magasin de souvenirs dans Main Street, elle raconte avoir eu "le coeur brisé" quand elle a vu vendredi matin les noms des victimes imprimés à la page habituellement réservée aux éditoriaux, laissée vide.
"C'est une tragédie", dit aussi Tom Wenger, 44 ans, un habitant de la ville, soulignant l'importance du journal dans l'histoire d'Annapolis.
"Les gens rappellent que la police était avertie depuis des années. Peut-être que les signaux auraient dû être pris plus au sérieux", dit-il, en référence aux menaces diffusées par Ramos sur les réseaux sociaux.
"Mais au final, je ne sais pas ce qu'ils auraient pu faire pour empêcher ça", souligne-t-il, en rendant hommage aux policiers qui "ont fait un boulot formidable".
La fusillade a aussi ravivé le débat récurrent sur la dissémination des armes à feu dans le pays. Le tireur a utilisé un fusil à pompe acheté légalement, le port d'arme étant un droit garanti par la Constitution.
"Les armes, c’est dans l’ADN national, donc elles ne partiront pas, dit Mike Driscoll. Mais il faut que les gens soient responsables. Une arme ne résout pas le problème, elle en crée simplement un nouveau".
La ville est choquée, mais elle se relèvera, assure-t-il toutefois. "On peut le faire, on va revenir, dit-il. Le journal est sorti ce matin, on est de retour. Ça veut dire que les salauds n'ont pas gagné, ils ne gagneront jamais".