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Abandonner le nom reçu à la naissance pour prendre celui de l'autre parent: l'Assemblée nationale a donné son feu vert à un texte de "liberté" permettant de changer de patronyme plus facilement, une fois dans sa vie.
La proposition de loi du député LREM Patrick Vignal "relative au choix du nom issu de la filiation" a été adoptée en première lecture dans la nuit de mercredi à jeudi par 49 voix contre 5 et 2 abstentions.
Ce texte court -quatre articles- touche à travers le nom et sa transmission à un fondement de l'état-civil et de l'identité individuelle.
Cette loi "de liberté" donnera "un choix sans l'imposer" et "permettra de faire cesser des souffrances, d'apaiser des familles", a plaidé M. Vignal.
Le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti a apporté son soutien "enthousiaste" à cette réforme qui permettra de répondre "à ces personnes qui supportent leur nom plus qu'elles ne le portent".
Le flot des débats souvent animés a été marqué par le témoignage personnel de la députée Aina Kuric (groupe Agir, majorité).
"Je suis victime d'un père incestueux (...) et je ne souhaite plus porter le nom de mon bourreau. Je souhaite porter celui de la femme qui m'a faite, et c'est ma mère", a-t-elle lancé, en décrivant les démarches actuelles complexes pour y parvenir.
"On ne change pas de nom pour s'amuser, parce que cela fait plaisir", a-t-elle ajouté sous les applaudissements.
Les oppositions de gauche et de centre-droit ont apporté leur soutien à cette proposition "qui accompagne des changements et des demandes" de la société civile (Marietta Karamanli, PS), et "va dans le bon sens" (Michel Zumkeller, UDI).
A droite et à l'extrême droite, certains ont à l'inverse dénoncé, à l'instar de Marc Le Fur (LR) une dérive vers un "état-civil à la carte, au risque d'affaiblir la notion même de filiation".
Tout en reconnaissant la nécessité "d'apporter des réponses à des difficultés particulières", Philippe Gosselin (LR) a déploré la "simplification extrême" pour le changement de nom qui pourra se faire "par un simple formulaire administratif Cerfa".
Sébastien Chenu (RN) a dénoncé une réforme visant à "déconstruire l'identité et la famille".
Le changement de nom est aujourd'hui possible dans certains cas -nom à consonance ridicule ou déconsidéré, à des fins de francisation d'un nom étranger, pour empêcher l'extinction d'un patronyme- mais la procédure est longue, coûteuse et aléatoire.
Les motifs dits "affectifs", pour ceux désirant abandonner le nom d'un parent violent, incestueux, absent ou toute autre raison personnelle sont soumis aux mêmes démarches, souvent sans succès.
- Pas de "nom fantaisiste" -
La proposition de loi simplifierait ce parcours: une fois dans sa vie, tout majeur pourrait demander à prendre, ou ajouter, le nom de son autre parent.
La lourde procédure actuelle passant par le ministère de la Justice se ferait via une simple démarche en mairie, sans avoir à se justifier.
Tout ne serait pas pour autant permis. "La procédure simplifiée ne permet pas de choisir un nom fantaisiste. Elle demeure dans un cadre familial", souligne Patrick Vignal.
Une autre disposition du texte vise à faciliter la vie des parents dont les enfants ne portent que le nom de l'autre parent.
Des situations fréquentes, majoritairement pour des femmes - souvent après un divorce - contraintes de recourir au livret de famille pour prouver leur lien avec leurs enfants en cas de démarches scolaires, administratives, médicales etc.
Des tracasseries parfois ubuesques qui "polluent la vie de nombreuses Françaises et Français", a souligné Camille Galliard-Minier (LREM).
Pour sortir de ces situations, le texte de M. Vignal faciliterait pour les enfants le port, en plus du nom de famille donné à la naissance, du nom de l'autre parent au titre de "nom d'usage".
Une évolution souhaitée par le collectif "Porte mon nom". Sa fondatrice Marine Gatineau-Dupré, présente dans les tribunes du Palais Bourbon, parle d'une mesure "de bon sens" contre de "petites souffrances" au quotidien.
Cette proposition de loi s'inscrit de fait dans une série de textes sur des sujets de société examinés à l'approche de la présidentielle, et susceptibles de répondre aux attentes sensibles aux réformes sociétales libérales, comme l'allongement du délai légal de l'IVG.
Elle doit être examinée au Sénat le 15 février, en vue d'une adoption définitive avant la fin de la législature et une entrée en vigueur en juillet.