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Il s'apprêtait à aller à la piscine quand il a appris la bonne nouvelle mais la poussée d'Archimède n'est pourtant pas son rayon: couronné mardi par le prix Nobel de physique, le Français Gérard Mourou est un spécialiste mondial des lasers.
"Je l'ai appris une demi-heure avant qu'ils annoncent le prix", a expliqué à la presse le physicien de 74 ans à l'Ecole polytechnique de Palaiseau, près de Paris.
"Je m'étais préparé pour aller à la piscine comme tous les jours à midi. Puis il y a eu un coup de téléphone de Stockholm", où l'Académie royale des sciences décerne le plus prestigieux prix scientifique.
Front haut et cheveux blancs mi-longs, le polytechnicien a de faux airs de Doc Brown, le savant du film "Retour vers le futur". Mais en beaucoup plus sage.
Tout en avouant son "bonheur" dans ce moment "impressionnant" et "plein d'émotion", c'est sans effusion qu'il a réagi à son Nobel expliquant avoir eu "une idée simple". "Les belles idées sont toujours des idées simples".
"On ne s'attend pas à ça. On peut l'imaginer mais quand ça vous tombe dessus, c'est différent", a-t-il glissé posément.
C'est pourtant un demi-siècle de passion pour les lasers que ce Nobel a récompensé. Une passion initiée en 1967 lorsque cet Ardéchois passé par l'université de Grenoble vient poursuivre ses études à Polytechnique, à Paris.
Devenu chercheur, il s'expatrie en 1977 à l'université de Rochester, à New York, quelques années après un premier passage au Canada et aux Etats-Unis. Une idée le taraude: "J'avais envie de donner de la puissance au laser", racontait-il en 2009 au journal du CNRS.
Quarante-et-un an plus tard, cette envie lui a valu le Nobel, attribué pour moitié à lui et son ancienne étudiante à Rochester, la Canadienne Donna Strickland, et pour l'autre moitié à l'Américain Arthur Ashkin, 96 ans.
- "Débris de l'espace" -
Gérard Mourou et Donna Strickland, 59 ans, ont inventé au milieu des années 80 la technique d'amplification des lasers, appelée "Chirped Pulse Amplification (CPA)", qui génère des impulsions ultracourtes et de très grande puissance.
Outre leur contribution à la physique du vide ou des trous noirs, les travaux des deux scientifiques ont permis d'opérer des millions de personnes souffrant de myopie ou de cataracte.
"Je suis doublement content. J'ai le prix Nobel pour mes travaux mais il va aussi à une personne que j'estime beaucoup, mon étudiante", a souligné le Français mardi.
Pris dans le tourbillon des sollicitations qui ont suivi l'annonce, entre "les centaines d'email qui sont arrivés et les coups de téléphone qui n'arrêtent pas" il n'avait même pas pu encore parler à son ancienne étudiante mardi en début d'après-midi: "C'est impossible de se téléphoner!"
A la fin des années 80, Gérard Mourou quitte Rochester pour l'université du Michigan. Puis, après 30 ans passés aux Etats-Unis, il rentre en France en 2005 et prend la tête du Laboratoire d'optique appliquée, unité mixte de recherche du CNRS et de polytechnique qu'il dirige jusqu'en 2009.
Après le Nobel obtenu mardi, il sait "qu'il va y avoir un grand changement". "J'ai encore plein de grands projets, qui seront facilités, c'est certain", reconnaît-il. Parmi ces projets, la transformation des déchets nucléaires et l'élimination des "débris de l'espace".
"Chaque fois qu'on lance des satellites, on crée des débris", explique-t-il. "Actuellement, il y en a un nombre considérable, on sait que le nombre va augmenter. C'est vraiment une question qu'il faut se poser: si on laisse faire les choses, on va avoir des problèmes pour aller dans l'espace."
Mais pour l'heure, depuis son petit bureau de Palaiseau, le chercheur s'amuse: "Ça va continuer a être une journée folle !".