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La lanceuse d'alerte de Facebook, Frances Haugen, a salué lundi à Bruxelles le "potentiel énorme" du projet européen de régulation des géants du numérique, estimant qu'il pouvait même servir de "référence" aux Etats-Unis.
S'exprimant devant les eurodéputés, elle a à nouveau accusé son ancien employeur de "nuire aux enfants, attiser les divisions, affaiblir (les) démocraties" et de "faire passer le profit avant la sécurité" des utilisateurs.
"Quand les activités commerciales entrent en conflit avec les intérêts de la société dans son ensemble, les démocraties doivent intervenir et faire de nouvelles lois. Je me félicite que l'Union européenne prenne cela très au sérieux", a déclaré l'ancienne informaticienne du géant américain rebaptisé Meta.
Elle a estimé que le Règlement sur les services numériques ("Digital Services Act", DSA) actuellement examiné par le Parlement européen avait un "potentiel énorme" pour devenir une "référence". "Il peut inspirer d'autres pays, dont le mien", a-t-elle poursuivi, avertissant que "la loi devait être forte et son application ferme".
Alors que l'autorégulation a jusqu'à présent été la norme, Frances Haugen considère que "Facebook ne peut pas continuer à être juge, jury, procureur et témoin".
Elle a prôné "la transparence" sur les données de Facebook et souligné la nécessité de lutter, au-delà des contenus illégaux, contre "la manipulation des élections, la désinformation et les nuisances pour la santé mentale des adolescents". Elle a aussi estimé que les contenus diffusés par les médias ne devaient pas être exclus du champ d'application du règlement.
- "Agir maintenant" -
Le DSA veut interdire aux plateformes d'utiliser les algorithmes pour promouvoir de fausses informations et des discours dangereux, avec pour les plus importantes d'entre elles une obligation de moyens pour modérer les contenus.
"Nous devons agir maintenant", a exhorté la lanceuse d'alerte, qui s'est rendue dans plusieurs capitales européennes et a déjà témoigné devant les parlementaires américains et britanniques.
L'Américaine a dans la journée rencontré le commissaire européen au Marché intérieur Thierry Breton, à l'origine des projets de régulation composés du DSA et du Règlement sur les marchés numériques ("Digital Markets Act", DMA), présentés en décembre 2020.
"Les efforts accrus de lobbying dont nous sommes témoins sont peine perdue : nous ne permettrons pas aux intérêts des entreprises d'interférer avec l'intérêt général des Européens", a averti le responsable, appelant à l'adoption des règlements dans la première moitié de 2022, période pendant laquelle la France occupera la présidence tournante de l'UE.
Le géant américain conteste les affirmations de son ancienne employée. Il a souligné les efforts mis en oeuvre pour lutter contre la haine en ligne et la désinformation, assurant qu'il allait "consacrer plus de cinq milliards cette année à la sécurité" des utilisateurs et employer à cette tâche "plus de 40.000 personnes".
"Nous avons presque diminué de moitié la quantité de messages de haine que les gens voient sur Facebook ces trois derniers trimestres", a affirmé Monika Bickert, la vice-présidente de Meta.
Certains élus, à gauche et chez les Verts, réclament aussi une interdiction de la publicité ciblée, qui est au coeur du modèle économique des géants de la tech, une disposition toutefois pas prévue en l'état dans le projet de régulation européen et divisant les eurodéputés.
"Nous n'avons pas encore trouvé de position commune à ce propos (...) c'est l'une des plus importantes discussions", a reconnu l'eurodéputée danoise Christel Schaldemose (groupe Socialistes et Démocrates), la rapporteure sur le DSA.
Les eurodéputés pilotant les discussions misent sur un compromis d'ici à début 2022. La Slovénie, qui assure la présidence de l'UE jusqu'à fin 2021, s'efforce de son côté de faire en sorte que les gouvernements européens prennent une position commune sur ces projets de loi au cours d'une réunion le 25 novembre.
Dans la matinée, Frances Haugen a reçu une liste des signataires d'une pétition de soutien à ses actions, qui représentent plus de 80.000 personnes, selon l'ONG SumofUs.