Partager:
La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a émis vendredi de sérieuses réserves sur un amendement au projet de loi de réforme de la justice, portant sur un élargissement du Fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG.
Cet amendement, présenté par le député LREM Didier Paris, a été adopté le 6 novembre en Commission des lois de l'Assemblée nationale. Il prévoit de modifier certaines dispositions du code de procédure pénale pour élargir les possibilités d'identification d'une personne à l'aide de son empreinte ADN via ce fichier national, contenant près de trois millions de profils génétiques.
A l'heure actuelle, l'identification n'est rendue possible que par les seuls "segments +non-codants+" d'ADN, ceux qui en principe ne permettent pas de reconnaître les caractéristiques génétiques d'une personne, comme son origine ethnique, indique la Cnil dans un communiqué. Cette limitation avait été "précisément regardée comme une garantie essentielle de la proportionnalité du fichier", rappelle-t-elle.
"Or cet amendement a pour objet d'élargir la possibilité d'identifier une personne via le FNAEG grâce à tout segment d'ADN, codant ou non-codant. Il vise également à étendre le champ des recherches en parentèle susceptibles d'être réalisées à partir de ce fichier", ce qui "soulève de nouveaux enjeux", souligne la Cnil.
"Les mesures envisagées sont dès lors susceptibles d'entraîner des risques graves pour la vie privée et la protection des personnes pouvant être ciblées sur la base de correspondances génétiques partielles ou de similarités morphologiques", alerte la Commission. "Ces risques doivent être précisément mesurés" et "toute modification substantielle de ce fichier doit faire l'objet d'une réflexion approfondie et concertée", estime la Cnil.
La Chancellerie justifie cet élargissement par les progrès de la science qui rendent la distinction entre ADN codant et non-codant "obsolète".
"La communauté scientifique s'accorde aujourd'hui à reconnaître que des segments d'ADN considérés par le passé comme non-codant peuvent également véhiculer des informations sur la personne", explique ainsi le porte-parole de la Chancellerie, Youssef Badr.
"Plus le FNAEG utilise de segments d'ADN pour établir des empreintes génétiques, plus il renforce sa fiabilité et réduit les risques de comparaison positive entre deux empreintes qui n'appartiendraient pourtant pas à la même personne", a justifié la Chancellerie.
"Pour dissiper toute inquiétude", plutôt que d'interdire la conservation des empreintes d'ADN codant, un amendement va être déposé pour demander l'interdiction de conserver dans le FNAEG les informations qui permettent de déceler les caractéristiques génétiques d'une personne, et notamment son origine ethnique, à l'exception de celles relatives à son sexe.
Créé en 1998 pour identifier dans un premier temps les auteurs de viols, le FNAEG centralise vingt ans plus tard 2,9 millions de profils génétiques et 480.000 traces non identifiées.
L'Assemblée nationale doit examiner en séance à partir de lundi le projet de loi de programmation et de réforme de la justice.