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La cybersécurité est devenue une priorité pour les constructeurs automobiles, dès aujourd'hui pour assurer une sécurité sans faille des voitures connectées, donc potentiellement vulnérables aux cyberattaques, mais plus encore demain, pour réussir le pari de la voiture autonome.
"Une voiture moderne est connectée à Internet", explique Mike Parris, responsable du département sécurité chez le consultant SBD Automotive. "Elle dispose d'une interface cellulaire, de connexions sans fil qui sont des cibles potentielles d'attaques à distance".
Or, "si votre ordinateur est victime d'une attaque, le pire scénario est qu'il +plante+. Un véhicule est plus lourd, circule à grande vitesse et les conséquences d'une attaque sont donc bien plus graves. C'est pourquoi l'industrie prend cela très au sérieux".
"Le problème vient du mot +connecté+", confirme Guillaume Duc, cotitulaire de la chaire "Voitures connectées et cybersécurité" à Télécom ParisTech. "Les voitures sont des objets grand public. Elles ont des calculateurs embarqués avec des logiciels de plus en plus complexes".
Aujourd'hui, les voitures disposent de connexions Bluetooth, wi-fi et USB, peuvent être reliées à nos smartphones via le système de divertissement, ont un boîtier OBD pour le diagnostic, échangent des données via le "cloud" avec le constructeur ou sont équipées d'une clé connectée pour les ouvrir à distance... soit autant de portes d'entrée potentielles pour des cyberattaques.
L'industrie a donc pris la mesure du risque. Thales travaille ainsi depuis 2013 avec constructeurs et équipementiers sur la cybersécurité des automobiles, en s'appuyant sur son expertise dans l'aéronautique.
"Tout l'enjeu est de savoir si les fonctions critiques et non critiques sont poreuses. Est-ce qu'en prenant le contrôle d'une fonction de communication, je peux corrompre un système critique comme le freinage ou le guidage", détaille Jean-Marie Letort, vice-président conseil chargé de la cybersécurité du groupe de hautes technologies.
"On travaille avec les constructeurs sur la conception de l'architecture de la voiture, la sécurité +by design+", indique-t-il. "Mais ce n'est pas suffisant. On travaille aussi sur le +maintien en conditions de sécurité+, c'est-à-dire sur le cycle de vie de la voiture."
De même, l'idée de la chaire codirigée par Guillaume Duc, qui réunit industriels et chercheurs, vient de Renault, qui voulait fédérer les activités autour de la cybersécurité appliquée aux véhicules.
Car s'"il n'y a pas à ce jour un seul exemple connu d'attaque malveillante ou criminelle contre un véhicule connecté, la recherche a démontré que c'est techniquement possible", souligne Mike Parris.
En 2015, des chercheurs américains ont piraté une Jeep Cherokee en exploitant une faille de son système de connexion.
- Réduire la mortalité sur les routes -
Pour autant, le scénario le plus communément envisagé n'est pas celui d'une cyberattaque pour provoquer des accidents, mais le vol de données assorti d'une demande de rançon, comme cela s'est produit pour des géants de l'Internet.
"Pour le véhicule autonome, ce sont les mêmes problématiques en pire", reprend Guillaume Duc. "Le véhicule voit son environnement via des capteurs, caméras, radars, lidars (télédétection par laser, NDLR), des systèmes de positionnement et de cartographie, qui remplacent l'homme". Or, "on peut transmettre à ces capteurs de fausses informations, ce qui est plus difficile avec l'œil humain".
D'où la défiance que peut susciter la voiture autonome. Un sondage OpinionWay de 2017 a révélé que 56% des Français n'étaient pas prêts à monter dans une voiture autonome par peur de l'accident. Et celui mortel d'un taxi autonome d'Uber dans l'Arizona en 2018 ne va pas améliorer cette perception, aussi injustifiée soit-elle.
"Si vous prenez le nombre de personnes tuées sur les routes attribuables aux conducteurs, alors il ne fait aucun doute qu'un très grand nombre de vies pourraient être sauvées" avec la voiture autonome, relève Mike Parris, qui établit le parallèle avec le pilote automatique d'un avion.
D'où le soutien des Nations Unies, qui espèrent ainsi réduire la mortalité sur les routes – 1,3 million de morts par an dans le monde selon l'Organisation mondiale de la Santé.
Pour autant, déplore-t-il, "s'il y avait un mort par mois avec une voiture autonome, cela pourrait provoquer un rejet massif et stopper son développement".
"Si on ne résout pas ce problème de confiance, on risque de rater le projet sociétal" de la voiture autonome, tranche Jean-Marie Letort.