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Une peine de cinq ans de prison, dont trois avec sursis, a été prononcée vendredi par la Cour d'assises de la Corrèze contre la mère de Séréna, l'enfant découverte en 2013 dans un coffre de voiture après deux ans cachée du monde, et des privations ayant entraîné des handicaps irréversibles.
Un mandat de dépôt a été prononcé contre Rosa Maria Da Cruz, 50 ans, qui comparaissait libre, et dormira en détention vendredi soir, même si sa peine est aménageable, et qu'elle pourra solliciter à brève échéance une libération conditionnelle.
Elle a aussi été condamnée à un suivi socio-judiciaire de cinq ans avec injonction de soins. Et la Cour, comme l'avait demandé le ministère public, a prononcé sa "déchéance totale d'autorité parentale" sur Séréna. L'enfant, qui aura 7 ans fin novembre, vit en famille d'accueil depuis cinq ans.
Huit ans de prison avaient été requis contre Mme Da Cruz, mère de trois autres enfants de 9 à 15 ans, et qui a été reconnue coupable sur sa quatrième née en secret en 2011, de violences suivies de mutilation ou infirmité permanente par ascendant.
Elle encourait un maximum de 20 ans de réclusion, du fait du caractère "permanent" des séquelles de Séréna: un "déficit fonctionnel à 80%", un "syndrome autistique vraisemblablement irréversible", liés aux conditions de ses 23 premiers mois de vie.
La défense, qui avait plaidé l'acquittement, s'est félicitée d'une peine aménageable, donc de ce que Mme da Cruz "fera relativement peu de détention". "Le jury a tenu compte de sa personnalité, du fait qu'il y a des enfants, et pas vraiment d'utilité à une peine extrêmement longue", a estimé Me Chrystèle Chassagne-Delpech.
"Je voudrais demander pardon à Séréna pour tout le mal que je lui ai fait", avait déclaré l'accusée d'une voix faible et lasse à la Cour, juste avant que celle-ci se retire pour des délibérations d'un peu plus de 3 heures. "Je me rends compte que je lui en ai fait beaucoup et que je ne reverrai plus jamais ma petite fille".
Dans ses réquisitions, l'avocat général Olivier Kern avait souligné "la nécessité impérieuse" d'une condamnation" pour que l'accusée, qui n'a jamais fait de détention, "comprenne que Séréna n'est pas un non-événement".
D'emblée, il avait estimé que "ce procès n'est pas le procès du déni de grossesse", en référence à la thèse plaidée par la défense et qui a dominé les cinq jours de procès.
"Ce procès est celui de la dissimulation", une dissimulation "responsable de la privation de soins et d'aliments, et des violences engagées", a poursuivi M. Kern, en énumérant : isolement, privations sensorielles, de stimuli, absence de contact extérieur, confinement au silence... le "manque de tout".
- "Vide psychiatrique" -
"Songez bien, deux ans, ce n'est pas quelques semaines", a poursuivi M. Kern. "ll en faut de l'organisation, de la réflexion pour cacher un enfant à ses proches directs, son conjoint, ses enfants" pendant ce temps.
Pour autant, "on ne saura jamais pourquoi", ont dû convenir accusation et défense, tant les leviers profonds de l'accusée sont restés inaccessibles au long du procès. Même si des pistes ont émergé, du côté de traumatismes antérieurs: un premier accouchement très difficile, un deuxième inopiné en 2004 après un déni, déjà.
L'avocat général avait d'ailleurs demandé à la Cour de tenir compte du "déni de grossesse partiel" dans le cas Séréna, mais a rejeté le concept de "déni d'enfant" une fois Séréna née, une "dissociation psychique" qu'avait invoquée la défense.
Me Chassagne Delpech avait exhorté la Cour à ne pas prendre la "décision moyenâgeuse d'envoyer en prison une femme qui est dans la souffrance, dans la détresse". Elle avait demandé aux jurés une "grande décision", de celles qui préparent les "grandes réformes", ainsi sur le déni de grossesse, un "fléau" qui reste dans un "vide psychiatrique".
Partie civile pour l'association Enfance et Partage, Me Rodolphe Costantino avait lui, justement appelé à "ne pas psychologiser le débat à outrance", alors qu'experts échangeaient hypothèses psychiques sur déni de grossesse, dénégation d'enfant, ou incapacité parentale. "Si on fait place hors norme à la psyché, nous ne poursuivrons plus personne".
Me Isabelle Faure-Roche, avocate de l'Aide sociale à l'enfance de Corrèze, administrateur ad hoc de Séréna, a salué le principe d'une condamnation, même "un peu faible". "Symboliquement c'est deux ans (ferme) comme la petite a passé dans le coffre, à la différence que la petite, elle, est handicapée à tout jamais".
Mme da Cruz a été condamnée à verser un euro à trois associations d'aide à l'enfance, parties civiles, et 15.000 euros de provisions sur un préjudice à Séréna restant à expertiser.