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L'atmosphère est tendue dans cette usine de clous du Missouri, car le personnel craint que les tarifs douaniers imposés par le président Donald Trump sur les importations d'acier ne leur coûtent leur emploi.
Mid Continent Nail Corporation était une affaire prospère, employant environ 500 personnes à Poplar Bluff, petite bourgade industrielle de 17.000 habitants dans le centre des Etats-Unis.
L'entreprise s'alarme désormais ouvertement des récents tarifs douaniers de 25% sur les importations d'acier, prévenant qu'elle risque de mettre la clef sous la porte.
Elle a été contrainte d'augmenter ses prix pour répercuter ce surcoût mais n'est plus compétitive face aux clous fabriqués à l'étranger. Les produits finis ne sont pas taxés à leur entrée aux Etats-Unis.
Ces taxes sont "une politique peu judicieuse", estime Chris Pratt, directeur financier et opérationnel de Mid Continent. "Nous devons la modifier", dit-il à l'AFP.
Dans un bâtiment ressemblant à une grange, des ouvriers déroulent des bobines géantes de fils d'acier au milieu de dizaines de machines vrombissantes et grinçantes.
L'odeur du métal incandescent et la poussière saisissent les narines dès l'entrée tandis qu'une puissante cacophonie s'élève, rendant obligatoire le port de bouchons d'oreille.
"Des gens comme nous, nous pensions: le plus gros fabricant de clous des Etats-Unis, nos emplois devraient être sûrs. Visiblement, ce n'est pas le cas", relève Sean Hughey, un superviseur de la machinerie.
De nombreux employés ont voté pour Trump, tout comme la région de Poplar Bluff avec un score supérieur à 60%, lors de l'élection présidentielle de 2016.
Ils aimaient sa promesse de résurrection de l'industrie manufacturière américaine.
- Pied d'égalité -
"Je veux juste voir une Amérique sur un pied d'égalité (avec les autres pays). Il semblait montrer de l'intérêt pour faire ça", souligne M. Hughey.
Le soutien pour le milliardaire perdure mais ces employés veulent une exemption aux tarifs douaniers afin que l'entreprise puisse continuer à importer de l'acier bon marché du groupe mexicain Deacero, son propriétaire.
Mais leur requête n'est qu'une des plus de 20.000 reçues par l'administration Trump.
Selon les responsables de l'entreprise, il y a urgence: les commandes ont chuté de 70% et ils ont déjà fermé l'une des trois usines du complexe de Poplar Bluff. Soixante employés ont été licenciés et des centaines d'autres pourraient suivre.
Si rien ne change d'ici la fin de l'été, c'est l'entreprise elle-même qui pourrait fermer. Or Mid Continent, qui fabrique 50% des clous "Made in America", est un poids-lourd économique régional.
C'est aussi la seule source de revenus de Diane Brogdon, opératrice de machine de 54 ans, et de sa fille étudiante à l'université.
"J'ai peur de perdre tout ce que j'ai. Je pense que je suis trop vieille pour tout recommencer", confie celle qui travaille dans cette usine depuis huit ans et qui a acheté une maison il y a seulement quelques mois.
Elle est toujours favorable au président américain mais elle souhaite qu'il réexamine certaines décisions "en ayant à l'esprit que des gens pourraient perdre leur emploi à cause de certaines de ses mesures".
Un sentiment partagé par nombre de ses collègues. Dans l'espoir d'attirer l'attention du milliardaire, ils ont lancé une opération médiatique avec une lettre ouverte publiée en pleine page d'un journal local.
- Rétorsion -
Mais ces tarifs douaniers ont été bénéfiques pour d'autres entreprises: le producteur d'acier US Steel a rappelé 500 employés au chômage technique pour augmenter la capacité d'une de ses usines située à 2 heures et demie de route de Poplar Bluff.
Sam Anders, 28 ans, assiste à ce regain d'activité dans la branche sidérurgique puisqu'il voyage de ville en ville pour une société qui remet en état notamment les hauts-fourneaux. Et il n'arrive pas à répondre à la demande.
Il est d'ailleurs à Poplar Bluff pour des réparations dans une usine de fabrication de moteurs juste en face de celle des clous.
Si des dizaines de milliers d'emplois sont créés dans le secteur sidérurgique grâce à ces taxes douanières, des centaines de milliers d'autres pourraient disparaître à cause des mesures de rétorsion des pays affectés.
Laura Baugham, économiste de l'institut de recherches Trade Partnership Worldwide, s'attend à ce que jusqu'à 400.000 emplois soient détruits aux Etats-Unis.
"On le voit déjà", dit-elle. "Il y a les emplois utilisant l'acier --cela va des clous à l'automobile-- ainsi que les emplois perdus dans les restaurants par exemple parce que les gens qui perdent leur boulot ne vont plus au restaurant".