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Haut comme trois pommes, César Paredes, 9 ans, tenue de torero impeccable, entre dans l'arène sous les ovations de la Plaza de toros de Mérida dans l'ouest du Venezuela, l'un des huit pays au monde qui autorise les corridas malgré une dénonciation croissante des autorités et défenseurs des animaux.
L'enfant rêve de devenir un matador célèbre et pour "sortir par la grande porte (soit une sortie triomphale) comme un grand torero" comme il le répète à l'envi, il suit avec détermination des cours dispensés dans une école de la capitale officieuse de la tauromachie au Venezuela.
Pour lui, c'est une histoire de famille : son frère est banderillero et sa mère est une "aficionada" inconditionnelle.
Avec 15 autres garçons et une fille âgés de 7 à 14 ans, César suit assidûment trois heures par semaine le cours de Mauro Pereira, un torero retraité de 73 ans.
Posture droite et stable. Bras tendu avec aisance. Rotation du buste... Les élèves s'exercent sans relâche, jouant à tour de rôle celui du taureau, cornes de l'animal sur la tête.
Maniement de la pique, de la cape ou de la muleta, ils doivent tout apprendre y compris "d'avoir l'air courageux" et à plier les genoux lorsqu'on tombe à terre pour se relever rapidement.
"On ne doit pas hésiter. On doit être déterminé tout en ayant du respect. Quand on commence, on ne gagne pas la muleta tout de suite, on la mérite petit à petit. Il faut s'entraîner pour être bon", raconte Leonardo Rangel, 14 ans. "Une fois j'ai été proche d'une novilla (vachette) et c'était merveilleux", dit-il.
Mais en février, lorsqu'un festival tauromachique a réuni à Mérida cinq écoles du pays pour un moment très attendu par les enfants, ils ont été privés de corrida.
La justice a en effet interdit aux mineurs de participer à une exhibition dans l'arène ou même d'assister en spectateur à une mise à mort de taureau.
"On veut toréer, disaient les jeunes", se rappelle Maritza Arias, la mère de César, 47 ans. "C'était triste de devoir les faire partir des tribunes".
En toute fin de manifestation, les enfants ont pu présenter leur travail devant une arène comble multipliant à leur égard des applaudissements nourris.
"Je suis très fière de voir mes enfants faire ça, quand c'est bien fait, ça devient de l'art pour moi", estime Mme Arias.
- "Un être vivant" -
Si l'amour de la tauromachie perdure dans certaines régions du Venezuela, les mentalités évoluent par ailleurs pour mettre fin à ces pratiques qualifiées de "barbares".
Saisie, la justice a déjà suspendu des corridas et le Parlement est en phase d'élaboration d'une loi contre la maltraitance animale qui pourrait aller jusqu'à bannir complètement la tauromachie.
Pour l'heure, chaque mairie décide de sa propre règlementation. Caracas et Maracaibo, les deux plus grandes villes du pays pourtant dotées de "Plaza de toros" ont interdit les corridas.
"Je critique ouvertement ceux qui se rendent dans une arène pour voir assassiner un être vivant qui n'a aucune raison d'être là, un être qui, malheureusement, rapporte de l'argent et donne sa vie pour cela", lance Johan Sanchez, codirecteur de la Fondation Napda, une association de défense des animaux.
Elle organise plusieurs manifestations pour "éduquer les générations futures et sauver" les taureaux, indique le militant de 41 ans.
Un discours en opposition frontale avec les aficionados tel le professeur de tauromachie Mauro Pereira pour qui "le taureau de combat est fait pour mourir avec honneur et bravoure dans une arène". "C'est toute une culture qui remonte à des milliers d'années".
En France, la corrida est légalement autorisée depuis 1951 dans une dizaine de départements du Sud de la France où elle représente une "tradition locale ininterrompue".
Le Conseil constitutionnel, plus haute juridiction française, l'a jugée "conforme" à la Constitution, rejetant en septembre 2012 le recours d'associations de défense des animaux militant contre la tauromachie.
Outre la France et le Venezuela, des corridas sont toujours organisées, parfois avec des restrictions, en Espagne, au Portugal, en Colombie, au Mexique, en Equateur et au Pérou.