Partager:
"Ce trafic a mis dans l'assiette du consommateur de la viande de cheval interdite à la consommation, c'est aussi simple que cela": jusqu'à un an de prison ferme a été requis mardi au procès d'une vaste fraude impliquant notamment des chevaux d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur.
Dans son réquisitoire, au tribunal correctionnel de Marseille, le procureur-adjoint Jean-Yves Lourgouilloux a requis la condamnation de 21 des 25 prévenus jugés depuis le 9 janvier, demandant des peines de trois mois de prison avec sursis à trois ans de prison dont un an ferme.
La réquisition la plus lourde a visé Patrick Rochette, 68 ans, négociant grossiste en viande de cheval à Narbonne (Aude), qui a reconnu avoir falsifié les papiers de dizaines de chevaux provenant d'une ferme-laboratoire de Sanofi-Pasteur en Ardèche. Impropres à la consommation, après avoir servi à l'élaboration de sérums antirabiques ou antivenimeux, ces animaux avaient été abattus à Narbonne et en Espagne puis leurs carcasses écoulées auprès de boucheries en Occitanie.
Concédant l'ancienneté d'un dossier qui remonte à 2011, le magistrat a cependant assuré que "les faits restent graves", avec "de la viande provenant de chevaux de laboratoire qui avaient reçu des substances nocives pendant plusieurs années".
Alors certes, une expertise toxicologique sur les chevaux Sanofi a permis d'écarter tout risque sanitaire. Mais pour tous les autres animaux "dont une fraude documentaire a brouillé la traçabilité, on ne sait rien", a insisté M. Lourgouilloux.
Une peine de deux ans de prison dont dix-huit mois avec sursis et une amende de 10.000 euros a été réclamée contre Fabrice Daniel, gérant de la société Equid'Aniel, qui fournissait les chevaux à Sanofi puis les reprenait cinq ans plus tard, alors que leurs documents portaient clairement des tampons rouges les excluant de l'alimentation humaine.
La même peine a été requise contre Jacques Larnaudie, autre fournisseur de chevaux de Patrick Rochette et lui aussi exportateur vers l'Italie et la Pologne d'animaux impropres à l'abattage.
- "Un mobile clair, l'argent" -
Modification des cartes propriétaires qui excluaient leur animal de l'alimentation, insertion de feuillets de traitement médicamenteux vierges, recours à des carnets de chevaux morts pour fournir des papiers à des chevaux n'en n'ayant pas: "Chacun a mis la main à la pâte de cette fraude massive et organisée destinée à tromper les abattoirs et les administrations", a accusé le magistrat.
Mais "l'objectif final" était bien la tromperie des consommateurs et des bouchers, avec "un mobile clair, l'argent que cela rapportait".
Dans son réquisitoire, le procureur n'a pas éludé la complexité réglementaire dans l'application d'un décret européen de 2008 destiné à garantir la qualité sanitaire de la viande de cheval. Mais "on ne peut pas entendre l'argument consistant à dire +on a fraudé car rien n'a été fait pour nous empêcher de frauder+".
L'accusation a laissé la porte ouverte à la relaxe de quatre vétérinaires, pour lesquels rien ne prouverait "qu'on bascule des carences professionnelles vers une intention frauduleuse".
Il a en revanche requis la condamnation pour faux de quatre autres vétérinaires, demandant à leur encontre des peines de trois à six mois de prison avec sursis et des amendes de 1.000 à 2.000 euros. Ces professionnels avaient notamment établi des certificats de bonne santé d'animaux qu'ils n'avaient pas vus.
Des peines d'emprisonnement d'un à deux ans de prison avec sursis et d'amendes de 3.000 à 10.000 euros ont été réclamées contre les rabatteurs de chevaux.
La défense doit plaider jusqu'à jeudi, le jugement sera mis en délibéré fin février.