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Alors que le Sénat va se pencher sur la concentration des médias en France, l'ex-journaliste d'investigation de Canal+ Jean-Baptiste Rivoire, co-fondateur du média "Off investigation", décortique les "relations sulfureuses" entre magnats des médias et exécutif dans son ouvrage "L'Élysée (et les oligarques) contre l'info".
Q: Que peut-on attendre des auditions de puissants industriels comme Vincent Bolloré ou Bernard Arnault devant le Sénat?
R: "C'est une bonne chose que le Parlement leur pose des questions et que le sujet émerge dans le débat public, mais je n'ai pas d'immenses espoirs.
En 2016, Vincent Bolloré (alors président du Conseil de surveillance de Vivendi) et Maxime Saada (directeur général du groupe Canal) ont déjà été auditionnés par la commission culture et communication du Sénat.
Les auteurs des Guignols venaient d'être limogés, l'émission "Spécial investigation" arrêtée, et le "Zapping" était sous pression. Malgré tout, M. Bolloré a affirmé qu'il n'y avait jamais eu de censure.
On peut se demander si le Parlement a les moyens ou la volonté de travailler comme une commission d'enquête américaine. De creuser, de poser des questions, ou si ce sera un quelque chose de plus policé".
Q: Comment le rapport de force entre l’État et les grands patrons de presse a-t-il évolué ces 15 dernières années?
R: "Ces industriels ont atteint une telle position de puissance dans les médias privés qu'un politique qui voudrait revenir en arrière serait probablement piégé.
Avec ce livre, je voulais comprendre comment ces six ou sept oligarques, qui ont besoin d'avoir de bons rapports avec l’État et souhaitent peser sur l'opinion, ont pu racheter quasiment toutes les marques d'information crédibles en France. Et parler d'un système dangereux, avec une question: que font les politiques ?".
Q: Dans ce contexte, quel avenir peut-on imaginer pour le journalisme d'investigation en France?
R: "Il y a 20 ans, il y avait de belles émissions sur Canal ou à la télévision publique, avec +la Marche du Siècle+ (France 3) par exemple.
Aujourd'hui, il reste +Cash investigation+ avec Élise Lucet, ou le magazine présenté par Tristan Waleckx, +Complément d'enquête+ (France 2), mais les autres émissions d'investigation ont été atrophiées. C'est pour ça qu'on a créé notre site "Off-investigation" avec un financement participatif.
Je crois que de manière générale, l'abonnement à des médias indépendants, comme Mediapart, Les Jours ou Disclose, est le levier qui fera changer le système. On pourrait imaginer de libérer une partie de la taxe redevance audiovisuelle pour permettre aux citoyens qui le souhaitent d'en affecter 10% au média indépendant de leur choix".