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"Justice a été rendue": peine maximale pour Gabriel Fortin, le "tueur de DRH"

"Coupable". La cour d'assises de la Drôme a condamné mercredi Gabriel Fortin à la prison à perpétuité, avec une peine de sureté maximale, pour trois assassinats et une tentative d'assassinat perpétrés au cours d'un périple meurtrier qui avait mis le pays en émoi en janvier 2021.

Dans le box, l'accusé vêtu d'une chemise bleu ciel est demeuré totalement impassible, regardant fixement le président, dans le silence de la salle, à l'annonce du verdict, prononcé après trois heures de délibéré et douze jours de procès.

La condamnation est assortie d'une peine de sûreté de 22 ans, soit le maximum, requis un peu plus tôt par le ministère public. Les jurés ont retenu que des troubles psychiques avaient altéré, au moment des faits, le discernement de cet ingénieur au chômage, sans toutefois appliquer de diminution de peine, a détaillé le président de la cour Yves de Franca.

Catherine et Marie-Hélène, les soeurs de Patricia Pasquion, cadre chez Pôle emploi tuée de sang froid à Valence, confient avoir vécu le procès comme un moment "douloureux".

"Mais on a quand-même l'impression que la justice a été rendue" et "c'est important que le fait que l'altération du discernement ait été retenu sans qu'il y ait d'impact sur la peine", disent-elles.

Surnommé le "tueur de DRH" par la presse, le "moloch" par un des avocats des parties civiles, cet homme de 48 ans a été reconnu coupable de l'assassinat d'Estelle Luce, 39 ans, abattue le 26 janvier 2021 dans le Haut-Rhin, et de la tentative d'assassinat sur Bertrand Meichel à son domicile, à une quarantaine de kilomètres.

Et d'avoir assassiné sur leurs lieux de travail, deux jours plus tard, Patricia Pasquion, puis moins de trente minutes plus tard, Géraldine Caclin, directrice des ressources humaines de Faun Environnement âgée de 51 ans. Il avait été interpellé dans la foulée.

A l'exception de Patricia Pasquion, une quinquagénaire employée de l'agence de Pôle emploi où Fortin a été inscrit jusqu'en 2013, ses cibles étaient liées à ses deux derniers licenciements en 2006 et 2009.

- "Hypothèse d'appel ouverte" -

La défense n'a pas contesté les faits. L'enquête a largement mis en évidence les liens de l'accusé avec les victimes, et les preuves scientifiques le reliant aux scènes de crime.

Mais ses défenseurs ont plaidé pour que soit reconnue une altération du discernement au moment des faits, suscitant une passe d'armes avec l'accusation.

"La cour d'assises reconnaît le trouble mental de M. Fortin, et on a compris qui il est. On est face à une personnalité paranoïaque (...) qui est rentrée dans une phase de délire avec une perte de réalité", a réagi Me Romaric Chateau. Quant à savoir si Gabriel Fortin fera appel, "l'hypothèse est ouverte", a-t-il précisé. Le délai est de 10 jours.

Le ministère public a de son côté rejeté toute folie de la part de l'accusé. "Il est méthodique, il est organisé, il est adaptatif, il n'est pas fou", donc accessible à une sanction pénale, a asséné l'avocat général Laurent de Caigny en requérant la peine maximale.

L'avocate de la défense Laetitia Galland a pour sa part exhorté les jurés à "ne pas regarder l'accusé avec notre rationalité" et à "se placer dans sa façon d'appréhender le monde". Celle d'un homme replié dans un isolement déclenché à partir de 2010 par un sentiment d'injustice à la suite d'une "mise au ban de la société" après des licenciements "brutaux".

Dans ses derniers mots, très brefs, Gabriel Fortin - très peu coopératif et hermétique depuis le début du procès - a répété avoir été victime "d'atteintes personnelles", "d'espionnage" et d'une enquête à charge, sans un mot pour les victimes.

Le jugement n'a d'ailleurs pas apaisé la colère de Jean-Luc Pasquion, veuf depuis l' épopée sanglante. "Pour moi ce n'est pas cher payé, moi j'ai pris perpétuité pour l'éternité, j'ai la boule au ventre", a-t-il déclaré.

Bertrand Meichel, rescapé du périple meurtrier de Gabriel Fortin, a lui estimé que la cour avait "fait ce qu'elle a pu, dans le cadre de la loi". Le procès lui a finalement apporté "de la sérénité": "c'est inconfortable, c'est challengeant, mais ça fait partie du processus de guérison de la blessure".

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