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Succès sur téléphone, la BD "Colossale" révolutionne le webtoon à la française

Véritable carton sur l'application Webtoon, "Colossale", l'histoire d'une jeune aristocrate française fan de musculation, déboule en édition papier aux éditions Jungle, porteuse des espoirs de cette nouvelle façon de faire de la bande dessinée pour téléphones portables.

Les autrices Diane Truc et Rutile mènent la révolution. Le futur de la BD passe peut-être par les smartphones et ses très nombreux jeunes lecteurs, à l'heure où le prix du papier grimpe.

Venue de Corée du Sud, cette mode touche la France, à l'image des aventures sentimentales de Jade. Cette fille unique de nobles ruinés, qui voudraient la marier à un bon parti pour redresser les finances de la famille, préfère soulever des poids, activité en décalage complet avec son milieu.

Avec six millions de vues, ce "shojo" (manga pour filles) mêlant aristos et biscotos a passionné les lecteurs, dont 70% de lectrices, fidèles au rendez-vous chaque dimanche pendant plus d'un an pour chaque nouveau chapitre. Il y en a 60 en tout.

- "Notre manifeste" -

"+Colossale+ est un projet pilote, c'est notre manifeste", explique à l'AFP la scénariste de la série, Rutile.

"J'ai de l'ambition et une idée extrêmement précise de ce que je veux faire", ajoute Maëva Poupard (son nom à l'état-civil), 37 ans, cheveux bouclés et robe noire.

Cette Mauricienne d'origine va creuser son sillon: elle vient d'être nommée éditrice sur ONO, la plateforme lancée en février par Média Participation (maison mère de Dupuis et Dargaud) pour que les éditeurs de BD franco-belge ne ratent pas le virage du webtoon.

En France le marché n'est pas encore mûr. "Quasiment toutes nos séries sont gratuites", explique Émilie Coudrat, de Webtoon France, qui compte 2 millions de lecteurs mensuels dans ce pays, sur 85 millions dans le monde.

Le modèle économique du géant coréen est "d'attirer le maximum de lecteurs sur la plateforme, que des créateurs aient du succès et deviennent des licences" rémunératrices, précise-t-elle.

On est encore loin de l'industrie multimillionnaire qui tourne à plein régime en Corée. "C'est comparer un film Disney à un court-métrage des Gobelins", sourit Diane Truc, dessinatrice et co-scénariste, passée par cette fameuse école de l'image parisienne. "En Corée, tout le monde lit sur portable".

Rutile croit au modèle payant, à quelques centimes d'euros l'épisode, mais en prenant le temps de séduire les lecteurs français.

"J'aimerais définir un webtoon à la française. Ici, la politique d'auteurs on sait faire, il faut absolument les mettre en avant. C'est ce qui va enjoindre les gens à payer", assure la scénariste.

- "Liberté de dessin" -

L'arrivée en librairie de "Colossale", dont le premier des cinq tomes est sorti le 19 janvier, n'est pas un aboutissement pour les autrices mais un jalon.

Cette édition a fait l'objet d'un certain soin, par rapport à certaines impressions bâclées de nombreux webtoons à succès.

"Voilà ce que donne une maison d'édition française, avec des autrices françaises sur un webtoon français", savoure Rutile.

L'idée est venue de Diane Truc. "Je voulais proposer aux meufs des trucs qu'elles n'ont pas l'habitude de voir", raconte cette catcheuse amateur, bottes de motarde de cuir rouge et tee-shirt de star anglaise du catch Cara Noir.

D'où l'envie de montrer le monde des culturistes et notamment le beau palefrenier baraqué, Alexandre.

Plonger Jade, le personnage principal, dans l'aristocratie française, c'était "jouer du principe de contraste classique dans les shojos, en mettant des barrières aux héroïnes, des envies et un milieu qui les en empêche", détaille la dessinatrice.

Diane Truc (contraction de son nom, Tran-Duc), 29 ans, dit n'avoir "jamais eu autant de liberté de dessin qu'avec le webtoon: je peux lier les éléments exactement comme je veux, je peux faire voler les personnages dans leur décor. On est obligé d'avoir la surprise de chaque case".

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