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L'Ukraine et les forces d'occupation russes continuaient mercredi l'évacuation des civils des zones inondées après la destruction la veille dans une zone sous contrôle russe du barrage de Kakhovka (sud) sur le fleuve Dniepr, qui fait craindre une catastrophe humanitaire et écologique.
Les deux camps se rejettent la responsabilité de la destruction du barrage. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, qui avait accusé dès mardi la Russie de l'avoir miné et de l'avoir fait exploser, barrant de facto la route à une contre-offensive de ses troupes dans cette zone du sud du pays, a répété mercredi dans un entretien avec son homologue français Emmanuel Macron qu'il s'agissait d'un acte terroriste russe".
Le président russe Vladimir Poutine a affirmé pour sa part mercredi qu'il s'agissait d'"un acte barbare" à imputer à Kiev.
A Kherson, ville située à 70 km en aval du barrage de Kakhovka, les évacuations se poursuivaient mercredi sous la pression du fleuve tout proche. Dans les rues du centre, l'eau arrive à la taille et en contrebas au bord du Dniepr, c'est de cinq mètres qu'elle est montée.
"Tout a été inondé", se lamente Dmitri Melnikov, 46 ans, un père de cinq enfants. "Nous sommes ici depuis le début de la guerre, nous avons survécu à l'occupation. Mais maintenant nous n'avons plus de maison, plus rien".
A Tchornobaïvka, la banlieue ouest de Kherson, la plus éloignée du fleuve Dniepr, une rivière s'est formée avec la montée des eaux, large de plusieurs centaines de mètres.
"L'eau monte (...) de deux centimètres toutes les demi-heures", a indiqué à l'AFP Laura Moussiïane, du centre météorologique de Kherson.
Selon le ministre ukrainien de l'Intérieur, Igor Klymenko, 1.894 personnes ont été évacuées des zones sous contrôle ukrainien, où ont été mobilisés plus de 1.600 sauveteurs et policiers. Selon lui, 30 localités ont été inondées dont 10 actuellement sous contrôle russe.
Les autorités ukrainiennes vont devoir évacuer "plus de 17.000" civils, avait indiqué mardi le procureur général Andriï Kostine.
Côté russe, les autorités ont évacué "plus de 4.000 personnes" et l'état d'urgence a été décrété dans la partie de la région de Kherson contrôlée par Moscou.
Un nombre inconnu de civils ont également quitté les zones inondées des deux côtés par leurs propres moyens.
- "Acte odieux" -
Le président français Emmanuel Macron a condamné un "acte odieux qui met en danger les populations", après son entretien téléphonique avec Volodymyr Zelensky. Il a annoncé l'envoi, "dans les toutes prochaines heures", d'une "aide pour répondre aux besoins immédiats" de l'Ukraine face à cette catastrophe.
Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a annoncé une réunion de coordination des secours jeudi, avec le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba en visioconférence, après la "destruction scandaleuse" du barrage de Kakhovka.
Londres est de son côté dans l'attente, pour commenter davantage, de "tous les éléments disponibles", a déclaré le ministre britannique des Affaires étrangères, James Cleverly, qui avait souligné la veille que le cas échéant un tel acte constituerait un "crime de guerre".
La Maison Blanche, tout en indiquant manquer elle aussi d'informations à ce stade, et redouter "de nombreux morts", avait également souligné mardi "que la destruction délibérée d'infrastructures civiles n'est pas autorisée par le droit de la guerre".
La Chine a exprimé sa "vive préoccupation", et Recep Tayyip Erdogan a suggéré la création d'une commission d'enquête internationale.
Lors d'un appel avec son homologue turc, Volodymyr Zelensky a dit mercredi avoir évoqué "les conséquences humanitaires et environnementales" de la destruction du barrage.
Vladimir Poutine a lui assuré à M. Erdogan déplorer "une catastrophe environnementale et humanitaire à grande échelle" en Ukraine après un "acte barbare" qu'il impute à Kiev
- Ammoniaque -
Selon Volodymyr Zelensky, qui craint "des dégâts environnementaux massifs", "des milliers d'animaux sont piégés dans les inondations". Plus de 150 tonnes d'huile de moteur ont été répandues dans le fleuve et des milliers d'hectares de terres arables vont être inondées, selon Kiev.
Le ministère de l'Agriculture a dit avoir déjà enregistré une mortalité de poissons dans la zone, prédisant également des pénuries d'eau pour l'irrigation des cultures, le réservoir de Kakhovka se vidant.
La destruction de ce barrage construit dans les années 1950 n'entraîne "pas de danger nucléaire immédiat", a toutefois assuré l'Agence internationale pour l'énergie atomique (AIEA).
Moscou et Kiev se sont par ailleurs accusés d'avoir détruit un pipeline près de Massioutovka, un petit village contrôlé par les forces russes dans la région de Kharkiv (nord-est de l'Ukraine).
Le pipeline, qui relie la ville russe de Togliatti, sur les rives de la Volga, à Odessa, le port ukrainien le plus important de la mer Noire, permettait avant la guerre à la Russie d'exporter plus de 2,5 millions de tonnes d'ammoniaque - composant clé des engrais minéraux - notamment vers l'Union européenne.
L'attaque a touché un équipement "crucial pour assurer la sécurité alimentaire dans le monde", a déploré mercredi la diplomatie russe. Oleg Synegoubov, le gouverneur régional ukrainien, avait à l'inverse accusé l'armée russe la veille d'avoir bombardé l'infrastructure.
Son fonctionnement avait été suspendu avec le début de l'invasion russe en février 2022 et Moscou exigeait son redémarrage.
Du côté du front, l'Ukraine a de nouveau revendiqué des progrès près de la ville dévastée de Bakhmout dans l'Est. Selon la vice-ministre de la Défense Ganna Maliar, les forces de Kiev ont avancé "entre 200 mètres et 1,1 kilomètre".