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A Bruxelles, les 27 explorent des pistes de rapprochement avec la Turquie

Les chefs de la diplomatie des Vingt-Sept discutent jeudi d'un possible renforcement de leurs relations avec la Turquie, à défaut de pouvoir lui offrir une perspective crédible d'adhésion à l'UE et en dépit de différends persistants sur Chypre ou l'Etat de droit.

Ankara veut "relancer les négociations pour l'adhésion et placer la question en haut de son approche politique avec nous, c'est une bonne nouvelle", a souligné le chef de la diplomatie de l'UE Josep Borell avant le début de la réunion à Bruxelles.

Après la réélection fin mai du président turc Recep Tayyip Erdogan pour un troisième mandat, "c'est le moment de mener une réflexion stratégique" sur la coopération "avec un voisin qui n'est pas facile, mais reste un acteur mondial stratégiquement important dans notre voisinage direct", a souligné la ministre allemande Annalena Baerbock.

Prévu de longue date, ce débat est d'un intérêt accru après le sommet de l'Otan la semaine dernière à Vilnius, où M. Erdogan a créé la surprise en conditionnant son feu vert à l'intégration de la Suède dans l'Alliance à la relance des pourparlers d'adhésion de la Turquie à l'UE, au point mort depuis plusieurs années.

Il a finalement levé son veto à l'adhésion de Stockholm à l'Otan, tout en prévenant qu'il n'y aurait pas de ratification avant octobre au plus tôt. En contrepartie, les Européens ont ouvert la voie à un réchauffement des liens avec Ankara.

La Suède a notamment accepté de "soutenir activement" les efforts visant à redynamiser le processus d'adhésion à l'UE, tout en contribuant à la modernisation de l'union douanière et à la libéralisation des visas, selon le secrétaire général de l'Otan Jens Stoltenberg.

Deux dossiers cruciaux aux yeux d'Ankara: mis en oeuvre depuis 1995, l'accord d'union douanière Turquie-UE pourrait être adapté pour favoriser davantage d'échanges commerciaux, tandis qu'une éventuelle libéralisation des visas assouplirait les conditions d'entrée des ressortissants turcs dans l'UE.

- "Au fond du bac à glaçons" -

Difficile en revanche d'envisager des progrès à court terme dans les pourparlers d'adhésion à l'UE.

Certes, le statut de candidat accordé l'an dernier à l'Ukraine "a créé une nouvelle dynamique dans le voisinage de l'Union", en particulier pour les Bakans, et "tôt ou tard la Turquie entrera dans le jeu", a estimé M. Borrell.

Mais les négociations pour l'adhésion de la Turquie, démarrées en 2005, sont profondément enlisées, au point que l'UE les a déclarées en 2018 "au point mort" en raison d'une politique jugée contraire aux intérêts de l'UE et d'un "recul continu" des droits fondamentaux.

Les relations s'étaient très fortement tendues après la tentative manquée de putsch de juillet 2016 et la répression touchant opposants et journalistes qui a suivi.

"Le processus reste au fond du bac à glaçons, car des chapitres essentiels des discussions comme l'Etat de droit et les droits de l'homme n'ont pas été mis en œuvre et sont loin de l'être. (...) Il ne faut pas être naïf, il n'y aura pas de cadeaux", a insisté Annalena Baerbock.

Dans l'immédiat, des coopérations accrues, notamment la libéralisation des visas réclamée par la Turquie, pourraient être compliquées par le différend persistant autour de Chypre.

Depuis l'invasion de son tiers nord par la Turquie en 1974 -- débuté il y a 49 ans jour pour jour --, l'île est divisée entre la République de Chypre -- membre de l'UE -- qui exerce son autorité au sud, et la République turque de Chypre-Nord (RTCN) autoproclamée en 1983 et uniquement reconnue par Ankara.

"Pour Chypre, l'avenir des relations UE-Turquie a un passé, très spécifique (...) Nous espérons une reprise rapide de négociations substantielles pour résoudre la question chypriote", a déclaré le ministre chypriote Constantinos Kombos, réclamant que les liens avec Ankara soient "proportionnés et soumis à conditions".

Reste que les crises géopolitiques font de la Turquie un partenaire incontournable.

Après la crise migratoire de 2015, les pays de l'UE avaient conclu avec Ankara un accord visant à juguler les arrivées de migrants vers l'Europe, moyennant une lourde contrepartie financière -- une partie des 6 milliards d'euros alors promis doit encore être fournie.

Par ailleurs, si la Turquie est accusée de contourner les sanctions occidentales contre Moscou suite à l'invasion de l'Ukraine, elle avait également joué l'an dernier les médiateurs pour débloquer les exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire.

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