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En Italie, dérapage périlleux du coût des aides à la rénovation énergétique

Le gouvernement italien cherche à suspendre un dispositif d'incitation fiscale pourtant très populaire visant à rendre les habitations moins énergivores, mais dont les coûts "hors de contrôle" risquent de faire exploser le déficit budgétaire.

Ce programme baptisé "superbonus", destiné aux travaux allant de l'isolation thermique aux panneaux solaires en passant par le remplacement des chaudières et fenêtres, avait été lancé en mai 2020 pour stimuler l'économie après la récession causée par la pandémie de Covid-19.

En dépit du scepticisme des écologistes quant à son efficacité, les Italiens se sont empressés de profiter de ce mécanisme à travers lequel l'Etat prend en charge 110% du coût des interventions à travers des crédits d'impôt ou une réduction d'impôt.

Comme prévu, le programme a stimulé le secteur de la construction, mais pour un coût faramineux de 61,2 milliards d'euros pour les caisses de l'Etat, selon le ministère des Finances.

La Première ministre Giorgia Meloni a jugé le week-end dernier la situation "hors de contrôle", dénonçant des fraudes de l'ordre de 9 milliards d'euros.

En outre, le caractère négociable des crédits d'impôt a selon elle "généré une sorte de monnaie parallèle (...) risquant d'avoir un impact dévastateur sur le budget".

Le dispositif permet en effet aux propriétaires de déduire le coût des travaux de leurs impôts sur plusieurs années, ou de vendre ce crédit d'impôt à leur constructeur, qui le revend à une banque, laquelle récupère ensuite l'argent auprès de l'Etat.

Pour Lorenzo Codogno, ancien économiste en chef du Trésor interrogé par l'AFP, cette mesure pourrait avoir un impact sur le déficit italien, qui pourrait être revu à la hausse de manière substantielle, tandis que le secteur de la construction et le gouvernement "pourraient avoir des problèmes de liquidité".

- Boom de la construction -

Le déficit de l'Italie devait s'élever à 5,6% du PIB en 2022 et tomber à 4,5% en 2023, selon les prévisions du gouvernement, mais des chiffres révisés intégrant probablement le coût du superbonus sont attendus mercredi.

Le superbonus a été introduit par le gouvernement de coalition de l'ancien Premier ministre Giuseppe Conte, du Mouvement cinq étoiles, une formation populiste à la fibre écologiste.

Cette mesure a été "fondamentale après le Covid-19, tant pour la relance de l'économie italienne que pour le redémarrage du secteur de la construction", a fait valoir Angelica Donati, présidente de l'Association nationale des entreprises de construction (ANCE), dans un entretien avec l'AFP.

Le secteur de la construction a connu une croissance de 21,6% en 2021, contribuant largement à alimenter la relance économique post-pandémie de l'Italie.

Mais le programme a entraîné beaucoup plus de travaux que prévu initialement et les banques ont cessé d'acheter les crédits d'impôt l'année dernière, laissant de nombreuses entreprises de construction en difficulté.

Le gouvernement de Mme Meloni avait déjà cherché à limiter les subventions, en réduisant le superbonus de 110% à 90%.

- Occasion perdue -

Mais la semaine dernière, il a mis soudainement un terme à l'utilisation des crédits d'impôt, tout en essayant de trouver le moyen de débloquer les crédits existants, d'un montant estimé à 19 milliards d'euros de travaux effectués, mais non encore payés.

Selon l'ANCE, quelque 25.000 entreprises de construction risquent la faillite.

Le gouvernement étudie parallèlement des alternatives au "superbonus".

Les écologistes espèrent aussi un changement du dispositif actuel, qu'ils considèrent comme une occasion manquée d'amorcer un changement vers des logements plus écologiques et moins énergivores.

Selon une étude de la Banque d'Italie, le "superbonus" n'est "pas un moyen rentable" pour lutter contre le changement climatique.

Pour Matteo Leonardi, cofondateur du groupe de réflexion italien sur le changement climatique ECCO, ce projet manquait également "d'ambition".

"Il n'a pas été lié à des objectifs climatiques, ce qui en aurait justifié les coûts", a-t-il expliqué à l'AFP, ajoutant que les travaux avaient comme seule condition de faire monter les logements de deux classes énergétiques.

Il est également reproché au superbonus de ne pas avoir suffisamment favorisé des technologies innovantes comme les pompes à chaleur.

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