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"Il faut continuer le combat": qui est Oleg Orlov, figure d'opposition à Poutine et successeur d'Alexeï Navalny?

Un tribunal russe a condamné mardi le dissident Oleg Orlov, figure de proue de la défense des droits humains, à deux ans et demi de prison, poursuivant l'implacable répression qui a déjà conduit la quasi-totalité des opposants derrière les barreaux ou à l'exil. Mais qui est Oleg Orlov? 

Oleg Orlov, figure de l'ONG Memorial colauréate du Prix Nobel de la Paix, a choisi de rester en Russie et de continuer, malgré les risques, à défendre les droits humains et dénoncer l'attaque contre l'Ukraine. Quitte à aller en prison.


Agé de 70 ans, ce militant actif depuis près de 45 ans a déjà risqué sa vie à plusieurs reprises en raison de son engagement. Mardi, il a été condamné à deux ans et demi de prison.  

Ces deux dernières années, alors que la plupart des détracteurs du Kremlin avaient été réduits au silence, Oleg Orlov, connu essentiellement dans les cercles dissidents, est apparu comme l'une des voix antiguerres s'exprimant encore ouvertement en Russie.

Entre juin et octobre 2023, il a transformé le premier procès le visant en tribune contre le Kremlin et son attaque contre Kiev, utilisant chaque audience pour rappeler son opposition catégorique et dénoncer "une guerre qui détruit l'avenir" de la Russie.

Récemment, début février, il avait finalement été affublé de l'infamant qualificatif d'"agent de l'étranger", comme la plupart des opposants du Kremlin.   

Un tribunal de Moscou l'a puni pour ses dénonciations répétées de l'offensive en Ukraine, déclenchée il y a deux ans par Vladimir Poutine. Depuis, la plupart des opposants au président russe ont été incarcérés ou ont choisi l'exil. Mais lui, Oleg Orlov, n'a jamais voulu partir : "Je suis plus efficace ici", disait-il à l'AFP mi-février, en jugeant qu'il était "important" que des voix critiques restent en Russie en dépit d'une répression systématique.


"Je ne regrette rien", a-t-il martelé lundi à la barre, de sa voix forte et légèrement chevrotante, à la veille de l'énoncé du verdict.
 

Actif depuis les années 80

Cette ténacité apparaît comme le baroud d'honneur d'un homme qui, depuis l'entrée en 1979 des troupes soviétiques en Afghanistan, dénonce les dérives autoritaires et les atteintes aux droits humains dans son pays. "Se repentir reviendrait à renier toute ma vie (...) il faut donc continuer le combat", à l'instar des dissidents de l'époque soviétique qui ont subi de multiples vagues de répressions, expliquait-il à l'AFP. Il s'agit de résister, poursuivait-il, autant que ses "brillants prédécesseurs".


Né en 1953, d'un père ingénieur et d'une mère philologue, Oleg Orlov étudie la biologie à la renommée Université d'Etat de Moscou. Il s'engage très tôt dans la dissidence et diffuse des tracts contre l'invasion soviétique en Afghanistan. A la fin des années 1980, il rejoint Memorial, alors une jeune organisation qui souhaite documenter et préserver la mémoire des millions de victimes des répressions soviétiques, dans l'espoir d'éviter une répétition de l'Histoire. 


Memorial enquête aussi sur les violations des droits humains dans la Russie contemporaine, dans le chaos des années 1990. C'est là qu'Oleg Orlov fait ses preuves. Il travaille comme observateur lors des multiples conflits surgissant à la chute de l'URSS, en Moldavie, en Asie centrale et en particulier dans le Caucase, en Tchétchénie, dévastée à partir de 1994 par une guerre entre Moscou et des séparatistes. En 1995, il fait partie d'un groupe d'otages volontaires lors des négociations pour la libération de près de 2000 personnes détenues par un groupe de séparatistes tchétchènes dans un hôpital du sud-ouest de la Russie.


La crise, marquée par des assauts meurtriers des forces russes, s'achève par la libération de la majorité des otages et constitue un tournant dans la première guerre de Tchétchénie (1994-1996).


Oleg Orlov sera à nouveau pris en otage avec des journalistes, fin 2007, par un groupe armé dans un hôtel à Nazran, en Ingouchie, république voisine de la Tchétchénie. Les otages, dont Orlov, sont tabassés et menacés d'être exécutés dans un champ en bordure de la ville, puis abandonnés pieds nus dans la neige.


Fin 2021, quelques semaines avant l'attaque contre l'Ukraine, l'ONG Memorial est finalement dissoute par la justice russe, mais elle recevra le prix Nobel de la Paix 2022. Orlov a juré de poursuivre le combat, même si, de son propre aveu, ses employés doivent désormais travailler "dans une semi-clandestinité".


Dans l'attente du verdict, il avait déjà préparé un sac avec des produits de première nécessité pour sa détention. Il se disait calme, vivant une vie ordinaire dans le nord de Moscou, entre visites médicales, passages à la salle de sport et sorties avec Tatiana Kassatkina, sa femme et compagne de lutte.

 

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