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Une ville pakistanaise pleure 24 des siens portés disparus dans le naufrage en Grèce

Le naufrage d'un bateau de migrants en Grèce a tourné à la tragédie au Pakistan laissant des familles inconsolables, comme à Bandli, petite ville d'où étaient originaires 24 jeunes gens qui pourraient figurer au nombre des centaines de noyés.

Ces derniers jours à Bandli, des parents de disparus ont soumis des échantillons d'ADN, pour aider à identifier les 82 morts dénombrés de ce naufrage, survenu dans la nuit du 13 au 14 juin à 47 milles marins (87 km) au large des côtes de la péninsule du Péloponnèse.

Des cortèges de visiteurs allaient et venaient dans les maisons de familles désespérées, dans cette ville de 15.000 habitants située à quatre heures de route au sud-est d'Islamabad, dans la partie du Cachemire administrée par le Pakistan.

Des proches des disparus restaient assis, prostrés, dans les rues. Comme pour maintenir un vain espoir, les funérailles n'ont pas encore eu lieu.

Shahnaz Bibi raconte à l'AFP avoir parlé par téléphone à son fils Inaam Shafaat, 20 ans, un jour avant que le chalutier, vétuste et surchargé, a quitté la Libye vers les eaux méditerranéennes, sur la route migratoire la plus dangereuse au monde.

"La nuit, il m'a dit que le temps n'était pas clair. Je lui ai dit de ne pas monter sur le bateau, mais il ne m'a pas écoutée", dit Mme Bibi, la cinquantaine, après avoir donné un échantillon d'ADN dans un hôpital local.

"Il m'a dit: +Mère, je vous laisse sous la protection d'Allah. Priez pour moi", ajoute-t-elle, la voix éraillée à force d'avoir pleuré, en essuyant quelques larmes avec son châle.

Les autorités grecques ne savent pas exactement combien de personnes étaient à bord du bateau lorsque a eu lieu ce naufrage, l'un des pires survenus en Méditerranée orientale ces dernières années.

- "Les gens ne coopèrent pas" -

L'Organisation mondiale des migrations (OIM) et le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (UNHCR) estiment qu'entre 400 et 750 passagers se trouvaient sur le chalutier, dont des femmes et des enfants.

Des centaines venaient vraisemblablement du Pakistan, principalement des provinces du Pendjab et du Cachemire.

L'Agence fédérale pakistanaise d'investigation (FIA) a indiqué mercredi que des échantillons d'ADN avaient été collectés auprès des familles de 108 disparus.

Sarfraz Khan Virk, un haut responsable de la FIA à Lahore, a expliqué à la presse que par le passé après de tels drames, nombre de familles avaient refusé de parler aux autorités.

"Elles nous ont dit : nous voulons envoyer un autre fils (vers l'Europe) et nous souffrirons si vous ouvrez un dossier", a-t-il rapporté.

"Il y a des familles qui avaient envoyé un premier frère en Italie et après une tentative ratée pour le deuxième frère, elles veulent envoyer le troisième. Aussi nous avons beaucoup de problèmes et les gens ne coopèrent pas avec nous", a-t-il ajouté.

Le Pakistan est aux prises avec de grosses difficultés économiques: une inflation galopante, la dépréciation de la roupie, des importations et une production industrielle limitées.

- "Le trafic ne s'arrêtera pas" -

Le Cachemire pakistanais, où se trouve Bandli au milieu de collines verdoyantes, a historiquement été le point de départ de nombreux migrants, en quête d'une vie meilleure ailleurs au mépris des risques.

De nombreux trafiquants d'être humains opèrent dans cette région. Les autorités disent en avoir arrêté 16, soupçonnés d'avoir été liés au drame grec.

"Ce qui est arrivé à notre frère ne devrait arriver à personne d'autre. Le trafic d'êtres humains est en hausse, il ne s'arrêtera pas", estime Waheed Wazir, 38 ans, dont le jeune frère Imran, 32 ans, est porté disparu.

"Les trafiquants d'êtres humains qui sont arrêtés ne devraient pas être libérés. Ils devraient être punis publiquement pour que personne n'ose faire quelque chose de tel à l'avenir", dit-il.

Un haut responsable administratif du district, Sardar Mushtaq Ahmad, a confirmé que 24 personnes du coin sont portées disparues.

Les familles de Bandli continuent à s'accrocher aux derniers mots entendus de la bouche de leurs proches disparus, espérant un miracle.

"Mon fils m'avait dit qu'ils les faisaient embarquer sur le bateau. Le temps n'était pas bon", raconte Tasleem Bibi, 48 ans, déjà résignée à la mort de son fils de 20 ans, Akash Gulzar.

"Sa voix s'est graduellement éteinte et il ne pouvait plus parler."

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