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La bataille des retraites, lutte finale pour Philippe Martinez, patron de la CGT

Etrange situation que celle du secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, qui doit mettre toutes ses forces dans la bataille des retraites, tout en faisant face à une guérilla interne concernant sa succession, lors du 53e Congrès de la centrale fin mars.

M. Martinez, qui fêtera ses 62 ans le 1er avril, au lendemain de la clôture du Congrès, a créé la surprise en mai dernier en annonçant son souhait de passer la main à la secrétaire générale de la Fédération de l'éducation, de la recherche et de la culture (Ferc-CGT), Marie Buisson.

Depuis, cette dernière peine à s'imposer en interne, au point que 18 fédérations ont signé un courrier fin janvier pour demander la réouverture du débat sur la succession.

Lors du dernier Comité confédéral national, les 1er et 2 février, Philippe Martinez a tenté de mettre fin à la discorde en proposant au milieu de la nuit un vote sur le nom de sa dauphine, sans succès: nombre de participants ont refusé de voter en affirmant ne pas avoir de mandat pour le faire.

Les contestataires se sont de nouveau réunis la semaine dernière. Il en est ressorti qu'une "majorité de fédérations considère que la candidature de Marie Buisson, ça ne colle pas", a dit sous couvert d'anonymat un participant à l'AFP.

Comment réussir sa sortie dans ses conditions, et ne pas reproduire les affres de la succession de Bernard Thibault, qui avait échoué à faire élire en 2012 à la tête de la CGT celle qu'il avait choisie, Nadine Prigent?

Auprès des médias, M. Martinez relativise, évoquant des réticences d'une "partie des dirigeants de la CGT" plus que de la "masse des syndiqués", non dénuées de misogynie. "+Est-ce qu'elle va être à la hauteur ? Est-ce qu'elle va savoir s'en sortir ?+: ce sont des questions qu'on ne se pose jamais quand les hommes prétendent à des responsabilités", la défend-il.

- "Les luttes c'est sacré" -

Le leader cégétiste mène en duo avec son homologue de la CFDT Laurent Berger la bataille contre les retraites, plutôt habilement selon les observateurs.

"Berger et Martinez sont de remarquables tacticiens et de redoutables communicants (...). Ils ont un truc vraiment excellent dans leur communication, que l’on partage ou pas leurs idées: ils ont l’air sincère", analyse auprès de l'AFP l'ancien chef de la communication de François Hollande, Gaspard Gantzer.

Poussé à une radicalisation du conflit par ses opposants internes, Philippe Martinez assume des divergences avec la plus modérée CFDT, sans mettre à mal l'unité de l'intersyndicale. "Philippe Martinez gère cette bataille comme un responsable de la CGT responsable. Il n'est pas en train de se radicaliser", estime un dirigeant de la CFDT.

Mais au sein de la CGT, certains jugent le métallo trop tiède, trop "réformiste", et pas suffisamment engagé en faveur de la grève reconductible. "Martinez, il a le discours qu'il faut dans les médias. En interne, on n'est pas dupes", dit l'un d'eux.

Dernier grief en date: les prises de position de M. Martinez hostiles à la stratégie parlementaire de La France insoumise. "C'est un cadeau qu'il fait à Macron !", s'emporte cette source.

Le combat contre la réforme des retraites peut être un atout pour le dirigeant de la CGT dans sa bataille interne: "C'est un meilleur contexte. Dans ces moments ça crée un sentiment d'unité. Les luttes, c'est sacré", observe le politologue Jean-Marie Pernot.

Fin connaisseur des questions sociales, le consultant Pierre Ferracci estime que M. Martinez a "pas mal de cartes en main (...): il présente une femme, la bataille de succession s’est mal passée après le départ de Thibault, et la réforme des retraites. Quand vous êtes dans une bataille de ce type, cela facilite les sortants".

Selon plusieurs responsables de la CGT, si le nom de Marie Buisson divise, le principe d'élire une dirigeante fait désormais consensus au sein de la CGT, personne ne voulant se risquer à recaler de nouveau une candidature féminine.

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