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L'avocat général a requis mercredi devant la cour d'assises du Haut-Rhin la peine maximale en appel contre Jean-Marc Reiser, la même que celle à laquelle il avait été condamné en première instance pour l'assassinat en 2018 de l'étudiante Sophie Le Tan.
Mais les avocats de l'accusé n'ont pas manqué de pointer les "incohérences", voire les "aberrations", de la longue plaidoirie du magistrat, réclamant de ne pas "rajouter des théories fumeuses au drame".
"Mon intime conviction, étayée par les éléments du dossier, c'est qu'il y a bien eu intention homicide et préméditation", a soutenu Jean-Luc Jaeg, l'avocat général, battant en brèche la thèse de coups ayant entraîné la mort sans intention de la donner, soutenue par la défense, pour démontrer de manière rigoureuse "l'intention criminelle" de Jean-Marc Reiser.
"Ce dossier me rappelle le titre d'une fable, +Le loup et l'agneau+", a débuté M. Jaeg. "L'agneau, c'est Sophie Le Tan", détaille-t-il, une fille "gentille, bienveillante", qui avait "tout l'avenir" devant elle.
"Quant au loup, c'est Jean-Marc Reiser", poursuit-il, détaillant le lourd casier judiciaire de l'accusé, dont sa précédente condamnation aux assises, en 2003, pour viols et agressions sexuelles.
- "Violent, dominateur" -
Dans ses rapports avec les femmes, Jean-Marc Reiser était "violent, dominateur" voire "tyrannique", soutient l'avocat général, évoquant les témoignages des ex-compagnes qui se sont succédé à la barre.
Il démonte le projet de voyage de l'accusé, soutenu par "aucun élément concret", qui lui fournirait un motif pour sous-louer son appartement. Au contraire, les petites annonces postées sous de faux noms sur le site LeBonCoin n'avaient d'autre but que d'attirer dans l'appartement une étudiante, "avec l'intention qu'on ne puisse par remonter jusqu'à lui".
Jean-Marc Reiser fixe ainsi "11 rendez-vous" successifs à des locataires potentielles, à une adresse imprécise, près de son immeuble. Les dix premiers ne seront pas honorés, parfois du fait des étudiantes, plus souvent à cause de l'accusé, qui, le moment venu, ne répond plus aux sollicitations.
"Mais pour Sophie Le Tan, ça a matché", s'émeut Jean-Luc Jaeg. "Elle avait une double qualité. Elle était seule, et elle était asiatique", souligne-t-il, en référence aux "attirances" de l'accusé. "C'est pour lui la proie rêvée".
Pour l'avocat général, Jean-Marc Reiser, après avoir "assouvi un fantasme tordu ou pervers" sur l'étudiante de 20 ans, ne pouvait prendre le risque de la laisser repartir. Alors, "le loup a sacrifié l'agneau".
Il réclame aux jurés de déclarer l'accusé "coupable d'assassinat, en récidive légale", et requiert la réclusion criminelle à perpétuité, assortie d'une période de sûreté de 22 ans, en tenant compte de "l'absence de remords" de l'accusé, de sa "dangerosité" et du "risque de récidive".
Mais si l'avocat général a pris le temps de décrire en détails des "actes préparatoires", il est passé beaucoup plus vite, sur les faits en eux-mêmes. Une faiblesse que la défense n'a pas tardé à exploiter.
- "Hypothèse rocambolesque" -
"La question est de savoir comment et pourquoi" Jean-Marc Reiser a tué, "et le ministère public reconnaît qu'il ne le sait pas", attaque Me Thomas Steinmetz.
Il réclame aux jurés de se prononcer en fonction de leurs "certitudes", alors que la cause de la mort n'a pas pu être définie, et en "se détachant de (leurs) émotions".
"J'ai le souhait d'une décision juste, qui corresponde à ce que vous avez lu, entendu, non à ce que vous avez imaginé", complète son confrère, Me Emmanuel Spano. "La cour d'assises n'est pas le lieu des hypothèses".
Il rappelle la gradation des motifs de condamnation possibles: coups mortels, meurtre, assassinat, l'importance de retenir la qualification "la plus juste", et la faible implication que cela aura finalement sur la peine qui sera prononcée.
"Quel que soit le choix que vous ferez, ce jeune homme de 60 ans (62 ans en fait, NDLR) finira vraisemblablement ses jours en prison", remarque-t-il. Alors "à quoi ça sert de dramatiser encore plus, d'en rajouter au travers de théories fumeuses ?".
Il demande de s'en tenir à la version de l'accusé, rappelle qu'elle est jugée "compatible avec les constatations" par les experts: "Jean-Marc Reiser à ôté la vie à travers ses coups, dans un accès de fureur", et sollicite le rejet de la préméditation, "hypothèse rocambolesque".
Jeudi, la parole reviendra une dernière fois à l'accusé, avant que la cour ne se retire pour délibérer.