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A Ouessant, les manifestants du bout du monde plus mobilisés que jamais

"Manu, t'es foutu, Ouessant est dans la rue !" Ici, pas de blacks blocs ni de lacrymogène et un nombre de manifestants à l'unité près. Ils étaient 180 jeudi à défiler sur la petite île du Finistère, un record depuis le début de la mobilisation.

Parti de la mairie, le petit cortège s'étire doucement vers la place de l'église, derrière une banderole portée par les marins de la Penn Ar Bed, la compagnie maritime qui relie cette petite île du bout du monde au continent.

"Manu, t'es foutu, Ouessant est dans la rue !", scande Aline, médecin retraitée de 77 ans dans son petit mégaphone bleu.

"Nous sommes extrêmement déterminés", lance cette petite femme au cheveux blancs, qui ne veut pas donner son nom de famille ("Ici, tout le monde s'appelle par son prénom", lance-t-elle).

A Ouessant, "il y a une tradition syndicale qui est très forte puisque les gars étaient dans la marine marchande et étaient fortement syndiqués. Ils savent ce que c'est le dur labeur, d'être intoxiqués à l'amiante (...) et d'en mourir avant 60 ans", décrit-elle.

Dans une ambiance festive, les manifestants remontent le bourg de Lampaul jusqu'à la place de l'église, où quelques-uns poussent la chansonnette, appelant à la grève générale ou à la démission d'Emmanuel Macron.

"Les retraites, c'est comme les galettes, on les veut complètes", entonnent une bande de copines. Des drapeaux de la CGT côtoient des pancartes réclamant "la retraite avant l’arthrite" ou assurant: "On n'est pas des moutons".

Un manifestant porte même une pancarte barrée d'un "President of violence and hypocrisy", en référence à la banderole brandie par des militants durant une conférence d'Emmanuel Macron aux Pays-Bas mardi.

- "Grain macroniste" -

A mi-parcours, le ciel commence à se couvrir et quelques gouttes tombent sur la petite foule. "Allez, il faut repartir, sinon on va se prendre un grain macroniste", lance une femme.

Le cortège longe alors le petit port de Lampaul, avant de remonter vers la mairie. Après à peine trois quarts d'heure de marche, la manifestation se dissout rapidement.

C'est un succès (et un record): elle a rassemblé pas moins de 180 personnes contre 169 la semaine précédente. Soit près du quart de la population de l'île, qui compte officiellement 833 habitants à l'année.

"Si, sur le continent, ils étaient aussi nombreux, les rues seraient noires de monde" et Macron "aurait déjà plié depuis longtemps", estime Jean Gouzien, retraité de la marine marchande de 68 ans, qui porte écharpe et drapeau aux couleurs de la CGT.

Ici, chaque manifestant est décompté à l'unité près, et les chiffres de la police ne sont contestés par personne. Et pour cause: il n'y en a pas. Les gendarmes ne résident sur l'île que l'été et la garde-champêtre manifeste comme tout le monde.

On compte même quelques touristes qui se sont joints au cortège pour l'occasion, comme Thierry Aymé, retraité de 63 ans, et sa femme. "On a fait onze manifestations à Niort et on s'est dit qu'on ferait la douzième à Ouessant", raconte-t-il, en saluant le caractère "familial et bon enfant" des mobilisations ouessantines.

Qu'il pleuve ou qu'il vente, les îliens se disent déterminés à poursuivre leur mobilisation après la décision du Conseil constitutionnel attendue vendredi.

"On a tous au fond de l'âme une détermination profonde à défendre les acquis qui ont été durement arrachés après la Seconde Guerre mondiale", assure Aline. "On continuera à se manifester par tous les moyens. On ne peut pas arrêter, c'est trop grave."

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