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Premier jour d'audience et première plongée dans le "schéma insurrectionnel" des prévenus : le procès des 13 militants proches du groupe d'ultradroite des Barjols a commencé à explorer l'idéologie qui aurait guidé leur préparation d'"actions violentes" contre Emmanuel Macron.
Au terme de près de quatre années d'enquête, ces 11 hommes et deux femmes ont été renvoyés en procès pour avoir voulu s'en prendre au chef de l'Etat mais aussi avoir fomenté un putsch, des assassinats de migrants ou des attaques contre des mosquées. Aucun des ces projets n'a été mis à exécution.
Poursuivis pour association de malfaiteurs terroriste délictuelle, ces prévenus âgés de 26 à 66 ans ont tous gravité autour des Barjols, un groupuscule né sur Facebook en 2017, adepte de réunions paramilitaires secrètes et de la théorie conspirationniste du "grand remplacement".
Résumant l'acte d'accusation, le président du tribunal correctionnel décèle chez ces prévenus une même motivation fondée sur la crainte "d'une guerre civile", d'une "vague migratoire imputée au président de la République" et d'un supposé "déséquilibre des droits" au détriment des Français.
Pour y répondre s'exprimait, au sein des Barjols, "la nécessité de s'attaquer aux migrants et aux individus de confession musulmane en passant par la lutte armée", poursuit Thomas Jouck, avant de détailler l'origine de la procédure.
C'est le 31 octobre 2018 qu'une enquête antiterroriste est ouverte sur la base d'informations du renseignement selon lesquelles un militant d'ultradroite, Jean-Pierre Bouyer, envisageait de tuer le président Emmanuel Macron lors des commémorations du centenaire de l'armistice du 11-Novembre dans l'est de la France.
Craignant un passage à l'acte "imminent" contre le chef de l'Etat, les forces de l'ordre procèdent à une première vague d'interpellations le 6 novembre en Moselle en interpellant M. Bouyer et trois autres prévenus proches de l'ultradroite.
Des armes et munitions sont retrouvées au domicile de cet ex-garagiste de 66 ans, ancien numéro 2 des Barjols qui aurait songé à utiliser une lame en céramique indétectable pour s'attaquer au chef de l'Etat. "Il y a des choses qui m'échappent" dans cette procédure, a-t-il lâché à la barre, sweat-shirt ample et jean sombre.
Dans les mois qui suivent, d'autres vagues d'interpellations vont s'enchainer en France dans la mouvance des Barjols. Son fondateur, Denis Collinet, sera ainsi arrêté en mars 2020.
-"Chat diabétique"-
Au premier jour des débats, l'attention s'est davantage portée sur Mickaël Iber, 43 ans, arrêté lors de la première vague d'interpellations et seul prévenu à être encore détenu. Sur Facebook ou dans des échanges captés par les enquêteurs, cet ancien SDF parlait de "tuer des migrants de ses propres mains" et de "retourner ce gouvernement de corrompus".
Chez ce prévenu, "il y a un schéma insurrectionnel et la volonté de renverser les institutions", indique le président du tribunal, qui avait récusé au tout début de l'audience "le fantasme d'une justice politique".
Derrière le box vitré, le prévenu assume être "râleur" mais récuse être violent ou nourrir une quelconque haine pour les musulmans. "Je suis tout le temps avec des musulmans, le parrain de mon fils est musulman", se récrie cet homme écroué depuis "cinquante mois" et très réticent à évoquer son enfance cabossée.
Il est loin d'être seul dans ce cas : entre chômage et maladies, l'ensemble des prévenus présentent "des parcours de vie très abimés", selon le président. "Il y a du lourd si on peut résumer".
Agé de 26 ans et atteint d'un trouble mental, Antoine D. a lui aussi été interpellé au début de l'enquête et semble perdu dans la salle d'audience. Quand il vient à la barre décliner son identité, le jeune homme manque de s'évanouir et confesse avoir "vaguement compris" les accusations pesant contre lui. "Il y a des éléments de fragilité particulière", admet le président.
Il se montrera moins compréhensif à l'égard d'un autre prévenu qui assure ne pas pouvoir assister intégralement à son procès en raison d'un motif très particulier : "un chat "diabétique", "isolé en Bretagne". "Personne d'autre que moi ne peut l'approcher", assure-t-il.
Fin du procès prévue le 3 février.