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Des dizaines de personnes ont trouvé la mort dans l'une des attaques aériennes les plus meurtrières en Birmanie depuis le coup d'Etat de 2021, dont la junte a confirmé être à l'origine, provoquant la condamnation de la communauté internationale.
Le Haut-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme Volker Türk s'est dit "horrifié" après cette attaque perpétrée mardi, dans un "mépris flagrant pour les règles du droit international."
"Il semble que des enfants qui dansaient, ainsi que d'autres civils, lors de la cérémonie d'ouverture d'un centre du village de Pazi Gyi, dans le district de Kanbalu, fassent partie des victimes", a indiqué M. Türk dans un communiqué.
Au moins 100 morts et des dizaines de blessés ont été comptabilisés par BBC Burmese, The Irrawaddy et Radio Free Asia.
Un homme ayant travaillé avec le personnel de secours dans le village a déclaré à l'AFP sous couvert d'anonymat que des restes humains jonchaient le secteur de l'attaque et estimé que le nombre de victimes devrait dépasser les 120.
La junte au pouvoir a reconnu, dans la nuit de mardi à mercredi, "qu'il pourrait y avoir des personnes portant des vêtements civils", sans évoquer de bilan, par l'intermédiaire de son porte-parole, Zaw Min Tun.
Mais l'armée a insisté qu'elle visait un rassemblement d'opposants armés - l'ouverture d'un bureau des forces de défense du peuple (PDF), qu'elle qualifie de "terroristes". Certains des morts étaient des combattants anti-coup d'Etat en uniforme, a assuré le représentant.
"D'après les informations que nous avons obtenues sur le terrain, les personnes tuées ne le sont pas uniquement à cause de notre attaque. Il y avait des mines plantées par les PDF autour de cette zone", a-t-il déclaré.
Un avion de chasse et un hélicoptère de combat ont été déployés lors de l'attaque, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire.
Washington s'est dit "profondément préoccupé" par ces attaques, qui "soulignent une fois de plus le mépris du régime pour la vie humaine et sa responsabilité dans la terrible crise politique et humanitaire qui sévit en Birmanie depuis le coup d'Etat de février 2021", a déclaré dans un communiqué le porte-parole du Département d'Etat, Vedant Patel.
La France a condamné "avec la plus grande fermeté l'attaque abominable" commise par les forces armées birmanes, déplorant la "stratégie de violence indiscriminée que la junte birmane fait subir depuis plus de deux ans au peuple birman", dans une déclaration du ministère des Affaires étrangères.
- "Force extrême contre des civils innocents" -
Des témoins contactés par l'AFP ont également fait état d'une centaine de morts.
Il s'agit de l'une des attaques les plus meurtrières menées par la junte, régulièrement accusée de crimes de guerre, depuis le coup d'Etat du 1er février 2021 qui a plongé la Birmanie dans le chaos.
Elle intervient à l'aube des célébrations pour le Nouvel An birman, Thingyan, qui durent plusieurs jours.
"Cela renforce le climat de peur. Il y aura plus de réticence pour organiser des événements de masse de quelque nature que ce soit, au vu du risque de bombardements", a dénoncé auprès de l'AFP Phil Robertson, directeur adjoint pour l'Asie de l'organisation Human Rights Watch.
"Alors que les habitants de Birmanie célèbrent le Nouvel An, l'UE est profondément choquée par les informations faisant état des dernières atrocités commises par le régime militaire à Sagaing, qui ont coûté la vie à des dizaines de civils innocents", a déclaré pour sa part Nabila Massrali, porte-parole de l'Union européenne pour les affaires étrangères.
Le Gouvernement d'unité nationale (NUG), un organe d'opposition fondé par d'anciens députés du parti d'Aung San Suu Kyi pour beaucoup en exil, a dénoncé un "nouvel exemple de l'usage aveugle de la force extrême contre des civils innocents".
La région de Sagaing, proche de Mandalay, la deuxième ville du pays, oppose une farouche résistance à la junte, et d'intenses combats s'y déroulent depuis des mois. Plus de la moitié des 1,2 million de déplacés liés aux affrontements viennent de cette province, selon l'ONU.
- Avantage aérien -
La Birmanie est déchirée par un violent conflit entre la junte et ses opposants depuis le coup d'Etat du 1er février 2021, qui a renversé la dirigeante élue Aung San Suu Kyi, aujourd'hui en prison.
L'armée birmane mise sur son avantage aérien, notamment grâce à ses jets de fabrication russe et chinoise, pour compenser ses difficultés sur le terrain dans un conflit qui s'enlise.
Les Nations unies ont compté plus de 300 frappes aériennes en 2022, ainsi que plusieurs incidents comprenant des victimes civiles.
Selon l'Institut international d'études stratégiques, qui surveille le conflit, l'armée a mené 689 frappes aériennes et de drones depuis le coup d'Etat.
Des groupes de défense des droits humains ont appelé la communauté internationale à restreindre davantage l'accès de la Birmanie au carburant d'aviation à la suite de l'attaque.
Mais l'analyste en questions de sécurité basé à Bangkok, Anthony Davis, a indiqué à l'AFP qu'une telle demande n'était pas réaliste.
"La Russie est un allié ferme de la junte et l'un des plus grands exportateurs de pétrole au monde. Croyons-nous sérieusement que Moscou va simplement regarder l'armée de l'air birmane être lentement clouée au sol par manque de carburant d'aviation?", a-t-il commenté.
Le chef de la junte Min Aung Hlaing a conditionné la tenue d'élections qu'il promet depuis sa prise de pouvoir au retour de la "paix et de la stabilité" dans le pays. La junte a reconnu en février qu'un tiers de la Birmanie échappait à son contrôle.
Une organisation locale de surveillance des droits de l'homme a évoqué plus de 3.200 tués depuis le putsch, quand l'armée en a compté plus de 5.000, qu'elle attribue à ses opposants.