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Santiago Peña, un économiste de 44 ans, héritier de l'hégémonique parti conservateur, ou Efrain Alegre, avocat centriste de 60 ans, opposant historique du système: tous deux sont les favoris de l'élection présidentielle de dimanche au Paraguay, l'une des plus indécises du pays d'Amérique du Sud.
- Santiago Peña, la continuité mais rajeunie -
Economiste de formation, venu à la politique car le savoir seul "ne suffisait pas à changer les choses", Santiago Peña se décrit comme un homme de responsabilités, profondément en phase avec le Paraguay, "société conservatrice" -comme son parti Colorado- sur les valeurs traditionnelles de la famille, refuge dans "un monde de convulsions et déshumanisé".
Fils de commerçants, il cite souvent sa jeune paternité, à 18 ans, comme moteur de sa vie, qui le poussa à étudier et travailler tôt, entrant à 20 ans à la Banque centrale, puis après une bourse à l'université de Columbia (New York), au Fonds monétaire international, en parallèle à l'enseignement.
Bien que longtemps affilié au Parti libéral (centre-gauche), Santiago Peña fut ministre des Finances (2015-2017) dans le gouvernement d'Horacio Cartes, du grand parti rival Colorado, avant de le rejoindre en 2016. Pur carriériste, selon ses détracteurs.
Candidat malheureux aux primaires du Colorado en 2018 (battu par l'actuel chef de l'Etat Mario Abdo Benitez), Santiago Peña l'a cette fois emporté face au candidat du président sortant. Avec le soutien de son mentor Cartes. Ce qui lui vaut d'être accusé par ses rivaux de "marionnette" du richissime ex-président.
Des accusations (et sanctions) de corruption de Washington contre Horacio Cartes, Santiago Peña dit à l'AFP qu'elles ont fait beaucoup de bruit", mais que l'ex-chef de l'Etat "les a récusées clairement". Et assure que cela n'affectera pas la relation "très profonde" entre les Etats-Unis et le Paraguay s'il est élu.
Pour lui, le Paraguay est une "jeune démocratie dont il faut prendre soin". Et il porte un regard ambivalent sur la dictature d'Alfredo Stroessner (1954-1989), à "l'immense passif de droits humains", mais qui permit de rompre avec "un demi-siècle d'instabilité et développer des institutions".
L'éducation --qui marqua profondément son parcours personnel-- l'emploi et la famille tiennent une place centrale dans le programme du candidat aux traits juvéniles, qui se présente à la fois comme l'image du renouveau et le garant de la continuité.
-Efrain Alegre, pourfendeur de "la mafia"-
Parlementaire pendant plus de 15 ans, ministre sous un rare gouvernement de gauche (2008 à 2012), deux fois déjà candidat à la présidentielle, Efrain Alegre est un politicien chevronné, qui a l'action publique dans le sang, et est résolu à en finir avec ce qu'il appelle "la mafia" du Colorado.
De ses études de droit et de science politique dans les années 80, ce fils d'un chauffeur de bus et d'une catéchiste, dit qu'elles étaient "une révolte juvénile, un outil de lutte contre la dictature" de Stroessner, qui devait définir son parcours. Très tôt, au sein du Parti libéral Radical Authentique (social-libéral).
Celui-ci le mena au Parlement, député, sénateur, ministre sous la présidence de Fernando Lugo (gauche), mais aussi... en prison: en 2021, il passa 20 jours en détention préventive pour une présumée fausse facture de son parti, qui finit en non-lieu. "Persécution politique", selon lui.
Battu à la présidentielle, en 2013 et en 2018 (de peu), il sent cette fois la victoire, d'autant que sa coalition Concertacion Nacional (centre-gauche) aura un dispositif lui permettant de contrôler "tous les bureaux de vote". Il reste persuadé d'une "composante de fraude" en 2018.
Surtout, il considère que l'urgence est désormais largement ressentie de "rendre sa justice au pays," dont les "institutions sont menacées par le crime organisé, qui achète des procureurs, des juges, corrompt des parlementaires".
L'accès à la santé, une grande carence d'un Paraguay inégal, fait aussi partie de ses thèmes-clefs, tout comme une cure d'austérité, préalable à une réforme fiscale, pour un secteur public symbole selon lui d'un système clientéliste "qui vole le pays".
Et s'il raille son rival comme un simple "secrétaire" de l'ex-président Cartes, ce catholique pratiquant et père de quatre enfants, le rejoint sur des thèmes sociétaux comme le mariage homosexuel ou l'avortement, auxquels tous deux s'opposent.
Plus loin des préoccupations des Paraguayens, c'est aussi sur le plan diplomatique que les deux hommes s'opposent. Contrairement à Peña, Alegre prévient qu'il "réexaminerait" les liens diplomatiques avec Taïwan en vue d'un possible rapprochement avec la Chine.