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Choquée par la mort de Tyre Nichols, l'Amérique a rouvert une nouvelle fois le débat sur les violences policières, avec le sentiment que les grandes manifestations de 2020 n'ont rien réglé au problème.
Agé de 29 ans, cet Afro-Américain est décédé à l'hôpital trois jours après avoir été battu à mort par des agents noirs de la police de Memphis, qui ont depuis été inculpés pour meurtre.
"C'est triste qu'on en soit encore là en Amérique, je n'arrive pas à y croire", a déclaré sur CNN Lora King, la fille de Rodney King, dont le passage à tabac par des policiers en 1991 avait enflammé Los Angeles.
"On doit faire mieux, c'est inacceptable."
Le meurtre de l'Afro-Américain George Floyd, étouffé sous le genou d'un policier blanc, avait pourtant suscité une mobilisation historique au printemps 2020, et, sous la pression de la rue, les promesses de réformes avaient fleuri dans tous les Etats-Unis.
Deux ans plus tard, le nombre de personnes mortes lors d'interactions avec la police a pourtant battu un record, avec 1.186 morts pour l'année 2022, au plus haut sur dix ans, selon le site "Mapping Police Violence". Parmi eux se trouvaient 26% d'Afro-Américains, alors qu'ils ne représentent que 13% de la population.
A titre de comparaison, moins de 20 personnes meurent chaque année en France lors d'interventions policières, un écart notamment lié à la quantité importante d'armes à feu en circulation, augmentant le sentiment d'insécurité des policiers américains et les rendant plus prompts à dégainer leur propre arme. De fait, 66 agents ont été abattus en service l'an dernier, selon le fonds créé en leur mémoire.
Mais pour l'avocat Ben Crump, qui représentait la famille de George Floyd et soutient aujourd'hui celle de Tyre Nichols, il y a aussi "une culture institutionnalisée dans la police qui tolère un usage excessif de la force, surtout contre les minorités".
"Il va falloir que l'on ait à nouveau cette (discussion) et qu'on l'ait encore, et encore, jusqu'à ce que ça s'arrête", a-t-il asséné vendredi lors d'une conférence de presse.
- "Inutiles et agressives" -
Parmi les promesses de 2020 figurait le projet de s'attaquer à la large immunité dont jouissent les policiers aux Etats-Unis ou de créer un registre des agents ayant usé excessivement de la force.
Un projet de loi fédéral, initialement soutenu par les deux partis, a toutefois échoué au Congrès dans un contexte de hausse marquée des homicides qui a poussé les républicains à se replier sur leur discours classique en faveur de "la loi et de l'ordre".
Faute d'avancées fédérales, le débat s'est poursuivi localement, à petits pas et dans la plus grande cacophonie.
Il existe en effet aux Etats-Unis près de 18.000 entités policières autonomes (polices municipales, shérifs des comtés, patrouilles des Etats...) qui ont leurs propres règles de recrutement, de formation et de pratiques autorisées.
Un certain nombre d'entre elles ont revu leurs règles d'intervention, interdisant notamment les prises d'étranglement, généralisant l'usage de caméras embarquées ou renforçant les peines pour les agents violents.
La police de Memphis a ainsi interdit à ses policiers d'entrer dans des maisons sans s'annoncer, a insisté sur leur "devoir d'intervenir" face à des collègues violents, et a revu ses formations aux techniques de désescalade.
Malgré tout, "les agents ont directement fait monter la tension", quand ils ont tenté d'arrêter Tyre Nichols pour une simple violation du code de la route, a reconnu la cheffe de la police locale, Cerelyn Davis.
Pour les militants, le coeur du problème tient d'ailleurs au fait que la police américaine est dotée de larges pouvoirs d'arrestation, même pour des infractions mineures.
"Il faut que l'on arrête de se reposer sur la police pour gérer des problèmes liés à la pauvreté ou au sous-investissement dans certains quartiers", estime Kathy Sinback, directrice de la branche locale de la puissante organisation des droits civiques ACLU. "Cela mène à des actions plus fréquentes, inutiles et agressives."
D'après l'association Human Rights Watch, les policiers américains ont tué près de 600 personnes dans des contrôles routiers depuis 2017.