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Tonya a entamé sa transition de genre il y a 4 ans. Une délivrance pour celle qui se sentait emprisonnée dans son corps depuis l'âge de 17 ans. Si elle nous a contactés via le bouton orange "Alertez-nous", c'est pour sensibiliser sur les réalités vécues par les personnes transgenres. Mais aussi pour adresser un message rempli d'espoir et partager son parcours si inspirant. Et pour faire changer les mentalités et faire connaître la transidentité au grand public, Samantha, femme transgenre, a lancé l'asbl Trans-ition.
"Aujourd'hui, je suis fière". Tonya, 44 ans, a été assignée homme à la naissance, un genre qui ne lui correspondait pas. C'est à l'âge de 17 ans qu'elle commence à se poser des questions sur son identité. Mais la crainte du regard des autres, notamment celui de sa famille, l'empêche d’être elle-même, nous explique-t-elle: "J’essayais de tout garder en moi. Je me suis empêchée d’être moi-même parce que le regard des autres me faisait trop peur. Je pensais, au début, que ce n’était qu’une passe, mais c'est devenu de plus en plus fort et important".
S'ensuit alors une période de grande souffrance, où elle a la sensation d'être emprisonnée dans un corps qui n'est pas le sien : "C’est devenu très dur, dans le sens où quand je me regardais dans le miroir, je pleurais. Quand je devais m’habiller, c’était pareil. J’ai commencé à vraiment me sentir très mal dans ma peau et à me sentir emprisonnée. Il a fallu que je fasse quelque chose".
Alors Tonya a entamé sa transition de genre il y a 4 ans. Aujourd'hui, sa transition n'est pas complètement terminée, nous explique-t-elle. Mais ce processus lui a permis de se sentir beaucoup mieux dans sa peau et en phase avec elle-même. Alors chaque matin, Tonya s'octroie un moment de liberté : se maquiller. "Je me sens moi-même quand je me maquille, et c’est un des moments de bonheur de ma journée. Ça représente vraiment un moment de liberté".
Grâce à ma transition, je suis enfin heureuse
Si elle nous a contactés via le bouton orange "Alertez-nous", c'est pour nous raconter sa propre expérience et son histoire si inspirante. Car il n'existe pas de parcours type, chaque transition est différente. Voici le témoignage de Tonya.
Une transition tardive, mais une véritable délivrance pour Tonya
C'est donc à l'âge de 40 ans que Tonya entame son processus de transition de genre, après avoir refoulé sa véritable identité pendant de nombreuses années. "Je savais depuis longtemps que je ne me sentais pas bien dans ma peau. J'ai pensé aux autres pendant 40 ans, alors je me suis dit qu’il était temps que je sois moi-même".
Elle est alors mariée à Jessica depuis 10 ans. Ensemble, elles ont eu 7 enfants. Une situation difficile, car, au début, Tonya avait peur de décevoir sa famille, et notamment sa femme : "Il m’a fallu des mois pour en parler ouvertement avec elle. Ce n’est pas venu tout de suite, au début, je ne lui ai pas dit. Je lui ai montré par des signes extérieurs : commencer à changer ma garde-robe, mettre du vernis, etc.", nous raconte Tonya.
Je peux enfin vivre avec la personnalité qui me correspond
Quatre ans après avoir entamé son processus de transition, Tonya est toujours avec sa femme Jessica: "Nous avons surmonté tout ça grâce à l'amour. Elle me disait souvent dans des conversations de la vie de tous les jours : "Toi, un jour, tu deviendras une femme", parce qu'il y avait des comportements, des choses. Et je disais toujours non, alors qu’au fond, je pensais : « Si je pouvais, oui »".
Aujourd'hui, Tonya se sent beaucoup mieux dans sa peau, et surtout en accord avec elle-même. "Je suis fière de l’image que je renvoie aujourd’hui, je suis fière du physique que j’ai maintenant par rapport à celui d’avant qui ne me plaisait pas du tout. Je me sens beaucoup mieux dans ma peau dans le sens où je peux enfin vivre avec la personnalité qui me correspond. Grâce à ma transition, je suis enfin heureuse. Ça a fait ressortir le meilleur de moi-même".
Un bonheur familial après la transition
En plus d'être maintenant bien dans sa peau, Tonya a réussi à maintenir un équilibre familial, chose qui était très importante pour elle : "J’ai réussi à maintenir un bonheur dans ma famille, que mes enfants et ma femme l’acceptent en vivant heureux avec moi. Ça se passe super bien, ils m’appellent Ma-Pa, ce sont eux qui ont choisi. Je ne voulais pas qu’ils m’appellent maman parce que je ne serais jamais leur maman, et quelque part, l’appellation papa n’a plus trop de sens".
Si la situation a été très vite acceptée par ses enfants, Kayline, l'une des filles de Tonya, âgée de 12 ans, nous explique avoir eu des réflexions et moqueries à son ancienne école : "Il y a eu beaucoup de critiques par rapport au changement de Ma-Pa. Mais depuis que j’ai changé d’école parce qu'on a déménagé, je fais plus attention et je m’en fou un peu".
Pour elle, l'essentiel est que Tonya se sente bien : "Tant qu’elle est bien comme elle est, je suis contente. J’ai l’impression que depuis qu’elle est devenue une fille, je peux mieux communiquer avec elle, et ça, j’aime bien parce que je peux faire encore plus de choses avec elle qu’avant".
Norah, âgée de 16 ans, a un message d'amour à faire passer à sa Ma-Pa: "Je suis fière de ma Ma-Pa, de son parcours, de qui elle est devenue. Je suis fière d’elle, et je l’aime très fort. Je le vis bien, sauf les opérations ça me fait stresser parce que j’ai peur pour elle, mais sinon je le vis très bien et je suis heureuse de la femme qu’elle est devenue", nous dit-elle.
Plusieurs types de transition sont possibles : chaque parcours est différent
Mais pour en arriver là, le chemin peut être long et difficile si on est mal soutenu. Heureusement pour elle, Tonya a pu trouver du soutien auprès de sa famille, mais aussi au CHU de Liège où il existe un centre d'accompagnement de la transidentité. "J’ai été très bien prise en charge, leur centre est fantastique. Mais ils ne font pas toutes les opérations. Donc, par exemple pour la vaginoplastie (ndlr, reconstruction des parties génitales à partir des organes sexuels masculins), il faut aller à Bruxelles, Anvers ou Gand, car il y a très peu de chirurgiens qui le font", explique-t-elle.
D'après la définition du site wikitrans, il existe trois types de transition :
- sociale, à savoir, faire son coming out, changer sa garde-robe, ses pronoms, etc ;
- administrative : changer son prénom et/ou sa mention de genre à l’état-civil ;
- et enfin, médicale : traitement hormonal, opérations chirurgicales, etc.
Tonya a décidé de combiner les trois types de transition : elle a fait son coming-out et changé sa garde-robe, mais elle a aussi changé de prénom et de genre de manière administrative. Elle a également subi des opérations, mais il s'agit de son parcours. Il faut savoir que chaque transition est différente, il n'existe pas de parcours type. Certaines personnes transgenres ne subissent pas d'opérations tandis que d'autres préfèrent.
De multiples opérations, des changements hormonaux pas toujours faciles et beaucoup de rendez-vous médicaux : le parcours de Tonya durant sa transition
Tonya nous explique donc le chemin de sa propre transition : 4 années, jalonnées de rendez-vous médicaux, d’opérations chirurgicales et de chamboulements hormonaux. Mais là aussi, la durée d’une transition est propre à chaque personne.
"La première chose à arriver à faire, c'est ce qu’on appelle la 'transition sociale'. C’est-à-dire le reconnaître face aux autres. C'est le premier gros travail à faire sur soi-même. La suite, ce sont les rendez-vous médicaux, et il y en a beaucoup : endocrinologue, psychologue aussi plusieurs fois. On est très souvent dans les hôpitaux".
S'en est suivi de la logopédie pendant 2 ans pour retravailler le larynx, et donc sa voix, qu'elle souhaite plus féminine. "Avant, ma voix était beaucoup plus grave. Si au bout de 2 ans, on n’a pas obtenu le résultat qu’on veut, on peut risquer la chirurgie. Moi, je vais la faire. Ça passe ou ça casse, mais je ne veux plus garder cette voix-là".
Si aujourd'hui Tonya est plus que satisfaite de son apparence, elle ne se sent donc pas encore tout à fait comme elle le souhaiterait. Outre une chirurgie du larynx, Tonya souhaite également faire des opérations au niveau de son visage. "Je vais commencer par le bas du menton et les angles mandibulaires, ensuite, je ferai mes lèvres et puis mon nez", détaille-t-elle. Mais aussi sur son corps : "J'ai pris 30 kg, ce n'est pas évident..."
Cette prise de poids est survenue suite au traitement hormonal suivi par Tonya. Les effets ont été multiples, explique-t-elle : "Ce qui est très dur, et que je pense on ne mesure pas quand on commence une transition, ce sont les effets des hormones sur le corps : on perd de la force, on prend du poids, on n'a plus du tout les mêmes ressentis et on devient plus émotifs, la perception du danger change aussi... Il y a un tas de changements. L’endocrinologue me l’avait dit, mais je pensais que ça allait passer".
Des traitements parfois lourds, mais qui en valent la peine, car aujourd'hui, Tonya ne se sent plus emprisonnée et vit pleinement sa vie comme elle l'entend, en accord avec son identité et son genre.
Les centres d'aides et d'accompagnement de la transidentité
Dans notre pays, il existe actuellement deux centres d'accompagnement de la transidentité. En plus de celui de Liège où Tonya s'est rendue, il y a l'UZ de Gand. Leur mission : proposer un accompagnement psychosocial et médical spécifique pour les personnes transgenres.
Pour ces deux centres reconnus, la mutualité peut aider à payer une certaine partie des soins.
Le regard des autres
Si aujourd'hui tout va pour le mieux pour Tonya, sa transition n'a pas toujours été toute rose, nous dit-elle : "Je ressentais de la crainte. Il y a eu des regards moqueurs, et au début, c’est compliqué. Je regardais toujours autour de moi pour voir si on me regardait ou si on ne se moquait pas. Puis après, on ne fait plus attention".
Alors Tonya souhaiterait faire passer un message à toutes les personnes qui critiquent la transidentité : "Avant de nous juger, de nous insulter, de nous maltraiter, ces personnes devraient se mettre à notre place, et se demander ce qu’elles ressentiraient si elles étaient dans le corps du sexe opposé au leur. Et surtout, faire attention à ce qu’elles disent".
Pour faire évoluer les mentalités, et faire connaître la transidentité au grand public, Samantha, femme trasngenre, a créé l'asbl "Trans-ition". "L’objectif est de faire connaître et familiariser le grand public à la transidentité à travers des événements ouverts à tous et toutes. Par exemple, on organise les dressings mobiles solidaires, qui ont pour but de permettre à tout un chacun d’acheter des vêtements à 1 euro, quelque soit son milieu social et qu’on soit trans ou pas justement. L’idée, c’est vraiment de permettre à tout le monde de se côtoyer, il n’y a plus de barrière, et ça permet qu’il n’y ait pas de stigmatisation", explique-t-elle. Ces dressings solidaires ont lieu tous les 15 jours, hors vacances scolaires.
Évolution des mentalités et de la société
Pour Samantha, les mentalités évoluent. C'est en tout cas ce qu'elle constate sur le terrain : "Je me rends compte quand je rencontre des jeunes, qu’ils l’acceptent plus facilement. On voit d’ailleurs qu’il y a de plus en plus de jeunes qui s’affirment en tant que personne trans. Ça reste encore à voir avec le temps, mais ça veut dire que c’est moins un tabou qu’il y a quelques années".
Si elles gagnent en visibilité, dans les médias ou encore en politique, les personnes transgenres sont encore trop souvent la cible d’agression ou de discrimination. On estime que plus d’une personne transgenre sur deux est victime de violences dans la rue dans notre pays, d'après une étude menée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes en 2020. On parle alors de transphobie.
Le chemin à parcourir est donc encore long : "On voit qu’avec l’homosexualité, 20 ans après, il y a toujours du travail à faire donc je pense que ça prendra un certain temps pour pouvoir être accepté par la société. Mais le fait qu’il y ait certaines personnalités qui émergent, en politique ou à la télé, permet justement d’améliorer cette visibilité, et donc la compréhension par le grand public de la transidentité", estime Samantha.
Si la société s'ouvre un peu plus, "ça reste toujours compliqué pour certains", explique-t-elle. "Dans certaines régions ou quartiers, ça peut être plus difficile de se faire accepter. Les raisons sont parfois culturelles, idéologiques ou religieuses. Mais je pense quand même que la société évolue vers un mieux".
Chose que confirme Tonya, qui est confrontée à plus de bienveillance autour d'elle que de discrimination : "Il y a encore des regards moqueurs parfois, mais la plupart du temps, les gens sont bienveillants et ont un regard normal. Ils passent à côté de moi comme ils passent à côté d’une autre femme".
Alors Tonya a un dernier message à faire passer, mais cette fois, à toutes les personnes transgenres : "Qu’elles aient entamé ou pas leur transition, je voudrais leur dire qu’il faut vivre sa vie, ne pas attendre qu’il soit trop tard, et ne pas se rendre malheureux pour les autres. Le monde actuel est plus ouvert qu’on ne le pense. Même si ce n’est pas un parcours facile, ça vaut la peine de le faire pour être soi, et bien vivre".