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Après avoir vu un reportage à la télévision sur le don de corps, Luc et Martine décident d'entamer les démarches pour devenir donneurs. Deux arguments majeurs les ont convaincus de prendre cette décision et de convaincre également le père de Luc : l'aide à la recherche scientifique et l'aspect financier.
Pour ce deuxième point, il faut effectivement savoir que donner son corps à la science coûte moins cher qu'un enterrement classique, mais des frais restent d'application. Une nuance qui a fait toute la différence dans l'expérience que le couple a vécue.
Habitants de Court-Saint-Étienne, ils se sont tournés vers l'Université Libre de Bruxelles pour entamer la procédure de legs de corps. "On a fait la demande à l’ULB, il était bien noté que la prise en charge était faite par l’université, mais qu’il fallait prendre rendez-vous avec un funérarium", raconte Martine.
Si donner son corps à la science ne coûte rien, il faut tout de même s'acquitter des frais des services des pompes funèbres qui se chargent d'apporter le défunt à l'université.
Un coup de massue
Ainsi, "au décès de mon beau-père, on a prévenu le funérarium", continue Martine. C'est Luc qui s'est rendu sur place pour signer le contrat. Malheureusement, sous le coup de l'émotion, il ne prend pas totalement la mesure de ce qu'il a contracté. Ce n'est qu'en rentrant chez lui qu'avec sa femme, ils réalisent le montant : 3.295 euros.
Un montant qui leur semble absolument délirant. "Ça a été un coup de massue".
"Pour moi, les frais les plus aberrants sont les frais administratifs de 300 euros à Ottignies, pour déclarer un décès, je trouve ça excessif. L’organisation des funérailles pour 450 euros alors qu’on n’en a pas faites. La mise en bière pour 250 euros alors que ça n’avait pas lieu d’être puisque personne n’est allé voir mon beau-père, même pas nous", détaille Martine, facture en main.
"Nous étions au courant que les frais de transport étaient à notre charge, ça, on le savait, car c’était bien stipulé, mais tout le reste, on ne savait pas", peste le couple. "Pour moi, le problème vient de l’ULB, car c’est très mal expliqué", ajoute Martine qui confie ne plus avoir tellement envie de donner son corps après ça.
Détail de la facture
Contactée, l'agence de pompes-funèbres se dit "étonnée par l'étonnement de la famille". "Il leur était loisible de refuser celui-ci et de faire appel à un autre prestataire."
"Pour ce qui est du montant total avoisinant les 3.300 euros, vous y retrouvez l'organisation, mais également le cercueil (qui est un cercueil de base garni intérieur et extérieur et obligatoire même dans le cadre d'un don de corps), la prise en charge du défunt au lieu du décès et le transfert au funérarium (2 hommes et le corbillard le week-end), la mise en bière (placement dans le cercueil), l'entrée et le séjour au funérarium, le transfert à l'ULB (2 hommes + corbillard aller/retour) et la TVA de 6%", se défend l'agence.
Quant aux 450 euros liés à l'organisation des funérailles, point souligné par Martine, les pompes-funèbres assurent qu'il s'agit d'un "poste récurrent". "Que ce soit un don de corps, un décès ou un rapatriement, il y a toujours un travail d'organisation à poser".
Toujours bien comparer les prix
Pour éviter toute mauvaise surprise, Jean Geeurickx, le président de la Fédération des pompes-funèbres, "invite les familles à toujours bien comparer les prix, 'comparez les pompes funèbres et demandez un devis avant de signer'. Il vaut mieux discuter avant qu’avoir des méprises après". "C’est aux gens de choisir les services qu’ils veulent. Demandez un minimum si vous voulez payer un minimum", ajoute-t-il.
Le don de corps, un don "philosophique"
Du côté de l'ULB, on regrette que le message soit mal passé auprès de Luc et Martine. Sonia Telese Izzi, la responsable legs de corps de l'université, précise pourquoi elle laisse les frais du transport à la famille. "Ça fait partie du processus du décès. Le corps reste à charge de la famille, car ces frais auraient dû être fait in fine si l’option du don de corps n’existait pas".
"Il n’y a pas d’échange d’argent entre le donneur ou sa famille et l’université. C’est un don philosophique. Parfois, les gens pensent que c’est gratuit, mais ce n’est pas le procédé qui est gratuit. C’est l’intention de donner son corps et de pourquoi il va être donné. C’est là-dessus qu’il y a la gratuité".
Le don de corps : comment et pourquoi ?
Cette entrevue avec la spécialiste permet d'éclairer un peu plus le processus du don de corps. Ainsi, elle précise que les dons doivent être décidés par les donneurs de leur vivant.
"La personne qui souhaite faire ce don contacte le service de legs de corps. Toute une série de démarches doivent être faites pour acter le don de corps. Ce doit être fait de son vivant, nous n’acceptons pas de don venant de personnes qui ne l’ont pas décidé de leur vivant."
"Ce qu’on conseille, c’est de prévenir la famille. On ne voudrait pas que la famille soit perdue", ajoute-t-elle. En ce sens, "notre ligne téléphonique est aussi ouverte aux familles qui se posent des questions. Chaque université a des procédures un peu différentes."
Donner son corps à la science, OK, mais après ?
Nombreux sont ceux qui se demandent ce que leur corps va devenir une fois arrivé à l'université. En quoi va-t-il réellement aider la science ?
"La dépouille est utilisée pour beaucoup de choses", précise Sonia Telese Izzi. "Le donneur sera utilisé pendant des cours (pendant des démonstrations ou des exercices) ou pour la recherche. C’est assez vaste".
Dans tous les cas, "l’université veille très fort au respect des corps et l’inculque aux étudiants", insiste encore la spécialiste.
Après avoir rempli son rôle (les corps peuvent être utilisés pendant quelques semaines ou plusieurs mois), l'université respectera la volonté que le donneur aura signalée de son vivant : être inhumé ou incinéré.