Accueil Actu Vos témoignages

Moins de clients et des factures divisées par deux: Marc s'inquiète pour l'avenir de son métier, menacé par l'intelligence artificielle

L'intelligence artificielle commence à intégrer de plus en plus de services dans notre quotidien. Dans la vie professionnelle, aussi, de nouveaux outils font leur apparition et forcent le monde du travail à s'adapter. Certaines professions sont plus touchées par l'arrivée de ces nouvelles technologies et le métier de traducteur semble être en première ligne.

Marc est traducteur indépendant depuis 30 ans. Passionné par son activité, il dit "assister depuis quelques mois à la dégradation de son métier". C'est pour dénoncer cette situation qu'il nous a contactés via le bouton orange Alertez-nous. 

Pour ce père de famille, traduire, c'est bien plus qu'un métier, c'est un art qui "consiste à trouver la juste alchimie entre le destinataire, entre l'émetteur et le récepteur". "Si je dois traduire une brochure commerciale pour des produits électroménagers, je dois tenir compte du public cible et également du produit en question. C'est-à-dire qu’un four industriel ne va pas être traduit exactement de la même manière, avec les mêmes termes qu'un four qui s'adresse à monsieur et madame Tout le monde. Donc, il y aura également un langage spécifique à ce genre de public cible".

"Ou si, par exemple, on me demande de traduire un post Instagram, je vais peut-être devoir ressortir le langage 'jeuns', ce que j'ai un peu oublié à mon âge", plaisante-t-il avant de poursuivre son exemple. "Si on me demande de traduire un décret par exemple, il faudra que je devienne un juriste". En bref, "le traducteur est un peu un caméléon qui doit se glisser dans la peau de la personne qui veut vendre un produit ou qui veut passer un message, mais également dans la peau de la personne qui doit acheter ce produit ou recevoir ce message".

Finie la nuance, place aux machines ?

Toute cette nuance est donc en danger selon le traducteur de 55 ans. Il a pu le constater directement, ses clients lui demandent de plus en plus non pas de traduire, mais de corriger des textes qui ont été traduits par des systèmes informatiques. "Mes propres clients n'y peuvent rien, ce sont leurs clients qui leur demandent de travailler ainsi. Les conséquences de cela, c'est que ces textes sont déjà traduits, mais ils sont parfois mal traduits". 

Corriger ces textes prend parfois même plus de temps à Marc que s'il avait traduit lui-même, mais ce n'est pas le seul désavantage. "Comme on me donne des textes qui sont déjà traités en partie, on me demande de réduire mes tarifs de moitié ! Pas de 15 ou 20 %, mais de 50 %." En plus de voir le nombre de ses clients fondre, ce Virtonnais voit ses revenus drastiquement diminuer. 

Des outils vraiment bien faits

Pour une utilisation basique ou tout du moins pas pointue, les outils de traduction sont "vraiment très bien faits", reconnaît Marc qui ne veut pas être "hypocrite" face à ces nouveaux concurrents. Exemple un test effectué avec lui et le célèbre traducteur en ligne Deepl. Nous avons demandé la traduction d'un texte qu'un de ses clients lui avait envoyé.

Le texte en question parlait d'un domaine spécifique et comportait des abréviations, le logiciel n'a pas su saisir toute la subtilité et a proposé une traduction erronée. "'De vordering van de curators' a été traduite a été traduit par : 'la créance des syndicats', or dans le texte, il ne s'agit pas de syndicat qui s'occupe d'immeuble, mais de curateurs qui s'occupent d'une société. Ça ne veut pas dire la même chose et qui n'est pas dans le même contexte.

Réfléchir à comment travailler avec l'IA

Pour l'Union professionnelle des traducteurs et des interprètes jurés, la généralisation de l'IA ne signifie pas la mort du secteur. "Notre métier a constamment été confronté aux évolutions de la technologie qui sont arrivées sans jamais nous remplacer", assure, confiante, Amal Boualga, la présidente de l'UPTIJ. 

Comme notre témoin, la traductrice réaffirme que "les langues ne sont pas des sciences exactes. Elles sont faites de nuances et de dialectes dont, pour le moment, seuls les humains peuvent saisir les subtilités". "Peut-être qu’un jour l’IA sera tellement développée qu’elle va remplacer un certain nombre de métiers, mais ce n’est pas pour tout de suite", tempère-t-elle encore. 

"On aura toujours besoin d'un traducteur"

Mais loin de se voiler la face, Amal Boualga est bien consciente que l'évolution de l'IA va impacter de plus en plus sa profession. Alors plutôt que de la rejeter, la présidente estime qu'il faut utiliser l'IA. "C’est quelque chose qui peut nous aider à aller plus vite ou à nous assister, mais pas complètement nous remplacer. Il va falloir réfléchir à comment travailler avec, mais je pense qu’on aura toujours besoin d’un traducteur pour travailler avec l’IA".

Ce point de vue d'utiliser l'IA plutôt que de la rejeter est partagé par Michel Herquet, spécialiste de l'intelligence artificielle. Il est cependant plus rude dans ses propos : "C’est probablement certain qu’il y aura un impact négatif à court terme sur l’économie de la profession".

"Je ne pense pas que les traducteurs vont disparaître", tempère-t-il. "Mais je pense que le métier va se resserrer autour de deux axes : un axe de qualité et un axe de confiance. Ces outils automatiques ne peuvent pas comprendre des notions de contexte, de style et d’intention de l’auteur et je pense que pendant encore très longtemps, un être humain fera davantage confiance à un autre être humain pour valider une intervention".

Pour appuyer ses propos, l'expert fait un parallèle avec le métier de photographe qui a surmonté toutes les évolutions au fil des époques. "Aujourd'hui, tout le monde peut prendre une belle photo avec son smartphone, pourtant, il existe toujours des photographes professionnels."

Le conseil de Michel Herquet : "Comprendre la nature de cet outil (l'IA, ndlr) avec ses avantages et ses défauts, et voir comment avoir une plus-value en tant qu’être humain".

Une chose est sûre, le métier de traducteur va être amené à évoluer, pour ne pas disparaître. 

À lire aussi

Sélectionné pour vous

Commentaires

8 commentaires

Connectez-vous à votre compte RTL pour interagir.

S'identifier S'inscrire
  • "On aura toujours besoin d'un traducteur" > C'est à cause de ce genre de mentalité passéiste qu'on ne progresse pas et que certains sont dépassés. Les systèmes automatisés ont démontré qu'ils font mieux que les humains, dans presque tous les domaines. Et dans les domaines restants, ils évoluent plus vite, et dépasseront un jour (proche) tous les humains. La question n'est pas de l'empêcher mais de l'utiliser correctement.

    Thierry Frayer
     Répondre
  • Ça se voit que vous n'avez aucune idée de ce dont vous parlez... et que si dans votre travail vous vous contentez du "suffisant" ou du "c'est bien bon", ce n'est pas le cas d'autres professionnels plus consciencieux.

  • Dans 99% des cas, la traduction automatique suffit. Les brochures de pub, les manuels et autres, presque personne ne les lit. Et pour les documents officiels (garanties, conditions, contrats, etc.) si la traduction automatique est mauvaise, c'est au bénéfice du client. Ah, et la plupart des traducteurs utilisent déjà des outils depuis des années...

    Thierry Frayer
     Répondre
  • Oui. La traduction mot pour mot ne marche pas pour garder le sens d'un texte. Un mot dans une langue n'a pas un équivalent unique dans une autre la langue, ou parfois pas d'équivalent du tout...

  • Oui vous vous trompez, merci de laisser les professionnels faire leur métier et contentez-vous du vôtre :)

Plus de commentaires