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A Ixelles, de nombreux riverains lèvent leur bouclier contre un projet de construction de logements, qui pourrait selon eux "détruire" un espace boisé. Un comité de quartier voudrait sanctuariser cette zone pour son intérêt environnemental. L'échevine du logement tient à rassurer les citoyens et détaille les objectifs du plan présenté à la population.
"C’est notre quartier. Je l’aime bien et je voudrais qu’il reste beau comme il l’est maintenant". Alessandra, Ixelloise depuis maintenant 10 ans, s'inquiète depuis que la commune a affiché sa volonté de faire aboutir un projet de construction de logements sur le site Agnès Varda.
Présentée comme étant l'un des derniers poumons verts d'Ixelles, cette zone à la limite de Watermael-Boitsfort comporte de nombreux arbres sur les 35 000 m² de terrain. Les habitants tiennent à leur parc et ils espèrent que les autorités chercheront un autre endroit pour implanter de nouveaux logements.
"Nous sommes tout à fait contre car ces logements vont changer le visage du parc", estime Alessandra, qui a contacté notre rédaction via le bouton orange Alertez-nous. "Dans ce parc, il y a des potagers. C’est vraiment la seule partie verte qui reste à Ixelles. C’est une véritable joie pour les riverains de vivre ici. Ils y ont notamment créé des potagers spontanément."
La commune dit vouloir conserver ces potagers, tout en espèrant pouvoir construire 12.700 m² de logements (avec une implantation au sol de 3 600 m²). Ce dossier propose environ 120 logements publics pouvant accueillir quelque 300 habitants.
Alessandra ne veut pas entendre parler de ce projet. L'habitante du nord de la commune a ainsi rejoint un comité, regroupant entre autres des riverains vivant en face du parc. "Certains sont très inquiets car il est très important de ne pas dénaturer le quartier. On a l’impression que pour la commune, c’est le seul endroit où on pourrait créer ces logements. (...) L’action sociale de la commune ne peut pas se faire au détriment de la nature. C’est affreux, c’est un des derniers poumons verts d’Ixelles. Pourquoi amener ce projet dans un parc public ? Cela n’a pas de sens. C’est difficile à accepter. Notre action est peut-être désespérée, mais il est très difficile pour nous de penser qu’un jour on va voir d'autres logements être bâtis", confie-t-elle.
Une pétition a par ailleurs récolté quelque 1.500 signatures mi-janvier. "Mais on pourrait ajouter beaucoup d’autres personnes", estime Alessandra. "Nous comprenons qu’il faut construire des logements à Ixelles Le droit au logement est un droit fondamental dans notre société. Mais le problème ne doit pas se régler au détriment de l’environnement. Ces bâtiments vont affecter la qualité du sol, la diversité, il y a plein d’animaux qui habitent dans cet endroit (renards, oiseaux,…), et ils vont disparaître. Comment peut-on adopter un plan contre la volonté des riverains ?", s'interroge l'Ixelloise.
Céran Declerfayt, le coordinateur du comité de quartier, a également manifesté son opposition à l'aboutissement de ce projet: "Les riverains d’Ixelles s'opposent fermement à ce plan, qui résulterait en l’ultérieure bétonisation d'une zone à haute valeur biologique, partie du maillage vert de la capitale. Quelle contradiction avec l'urgence d'agir contre le changement climatique !"
Nous voulons sanctuariser une grosse partie des espaces verts
Face à ces inquiétudes, Anaïs Camus, échevine des propriétés communales et du logement (Ecolo), tient à rassurer la population. La volonté des autorités est de sanctuariser cette zone pour son intérêt environnemental.
"C’est un site qui, urbanistiquement, est un terrain entièrement constructible. Le terrain appartient à la commune depuis pas mal de temps. Il y avait précédemment eu un autre projet pour densifier le site et créer du logement. Ce projet avait été abandonné car il avait déjà inquiété les riverains. Il s’agissait d’une vraie densification avec beaucoup de logements sur place", rappelle Anaïs Camus.
"Quand nous sommes arrivés dans la majorité, nous avons annulé ce projet et nous avons lancé le projet Varda, dont nous parlons maintenant. Urbanistiquement, nous voulons sanctuariser une grosse partie des espaces verts, et notamment les potagers sur place, ainsi qu’une plaine", assure-t-elle. "Dans la partie nord du site, nous voulons pouvoir créer du logement à finalité sociale. C’est une nécessité sur la commune. Cela crée des frictions dans la mesure où une partie de la population, surtout riveraine, a des craintes pour son quotidien et trouve qu’il est important de pouvoir protéger des espaces verts. Mais là-dessus, on est entièrement d’accord avec eux."
Si une grande partie de la parcelle est constructible, la commune a décidé d’autoriser la construction sur 13% de celle-ci.
"Au sol, il s’agit d’une densification minimum, qui se fait déjà autour des constructions déjà existantes. Parmi les signataires de cette pétition, il y a beaucoup d’oppositions de principe, sans vraiment être allé creuser les détails du projet. Pour nous, c’est un bel équilibre entre protection des espaces verts et nécessité de créer du logement à finalité sociale", estime l'échevine.
Anaïs Camus répond également aux interrogations quant à une dénaturalisation du site.
"Sur le nord du site, on verra ce projet, on ne va pas se mentir. Mais, il y a une volonté, visuellement, d’arriver à une forêt habitée. Dans l’espace qui sera constructible, l’idée est d’avoir des constructions qui s’intègrent dans le paysage, qui restera boisé. Avec des constructions idéalement en bois. Pour que visuellement, les habitants de la rue d’en face aient moins l’impression d’avoir un bloc de béton qui s’installe devant chez eux."
L'enquête publique s'est arrêtée le 27 décembre dernier, et à présent, la Région bruxelloise va devoir évaluer ce dossier. "Ce poumon vert restera un poumon vert", souligne l'échevine.
Ixelles accorde-t-elle une attention particulière sur la protection des espaces verts. "Il y a une grande attente de la population pour protéger les espaces verts, surtout quand on se rapproche du nord de la commune. Il y a un vrai travail de verdurisation et de débétonnisassion, dans des espaces actuellement construits", indique Anaïs Camus. "On voit ce qui est fait place Eugène Flagey et place Sainte-Croix, mais il y a aussi la création de petits jardins urbains dans plusieurs axes de la commune, le long des routes. Cela permet au territoire d’absorber l’eau, plutôt que de la laisser couler, et provoquer des inondations et gaspillage d’eau qui pourrait être utile pour les espaces verts. Il y a un travail qui est fait sur l’ensemble de la commune pour verduriser. On est bien conscients qu’en ville, il est essentiel d’avoir des espaces qui respirent et qui permettent de respirer."
Espaces verts à Bruxelles: voici l'état des lieux
Nous avons par ailleurs contacté le cabinet d'Alain Maron, le ministre bruxellois de l'Environnement, afin de faire un état des lieux des espaces verts dans la région.
Y-a-t-il suffisamment d’espaces verts dans la région bruxelloise ?
"Il y a 52% d’espaces verts en RBC, ce qui est beaucoup à l’échelle du territoire, mais ces espaces verts sont mal répartis. Le manque se ressent surtout dans la première couronne bruxelloise. Ce à quoi le Ministre Maron travaille, c’est à la création de nouveaux espaces verts et un renfort du maillage vert (des interconnexions) afin de développer l’accès à la nature au bénéfice de l’ensemble des Bruxelloises et des Bruxellois. Ceci afin de rendre la Région plus résiliente face aux changements climatiques et à la perte de biodiversité. L’objectif régional est d’offrir un espace vert accessible à chacun à moins de 400m de son domicile."
Suivez-vous de près les projets qui pourraient avoir un impact négatif sur ces espaces ?
"Le Ministre Maron et son cabinet suivent bien évidemment de près l’ensemble des projets qui ont un impact sur les espaces verts de la Rrégion Bruxelles-Capitale. Il y a notamment toute une série de PAD (Plan d’Aménagement Directeur) qui permettent de travailler avec les autres Ministres compétents sur ces questions. Les actions de protection des espaces verts visent des terrains publics. Il est par contre difficile d’avoir un impact pour les constructions sur des terrains privés qui sont constructibles au regard de la réglementation. Nous sommes cependant très attentifs à ce que les projets portent le moins possible atteinte aux espaces verts existants."
Les communes qui disposent de moins de 10m² d’espaces verts publics par habitant, ont-elles reçu comme consigne d’offrir plus de superficie d’espaces verts dans les années à venir ?
"La création d’espaces verts nouveaux ne se décrète pas d’un coup de baguette magique. L’achat et l’aménagement de nouveaux espaces verts prennent du temps. Les Communes ont rarement la capacité de mener seules de telles opérations. La Région, via la rénovation urbaine et Bruxelles Environnement, porte d’importants projets de création de nouveaux espaces verts en zones de carence, comme Max-sur-Senne au Quartier nord, le Parc de la Sennette au quartier Heyvaert, le parc de la Gare de l’Ouest, le parc des Deux gares à Curreghem, l’opération Récréation sur une vingtaine de cours d’écoles, le maintien et la valorisation d’espaces pour la biodiversité sur le territoire de la Région,..."
Faudrait-il protéger davantage d’espaces verts ?
"Bien sûr. C’est essentiel pour le bien-être des Bruxellois·es et leur santé, pour la résilience aux changements climatiques ainsi que pour la biodiversité. Le Ministre Maron y travaille au quotidien avec notamment Bruxelles Environnement. Au-delà de la quantité, il faut également augmenter la qualité de ces espaces en créant les conditions favorables à la biodiversité: comme avec la suppression des pesticides, plans de gestion Natura 2000, moins de tontes, création de noues (GIEP). Ces mesures ont pour but de reconnecter Bruxelles à la nature."