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Des "Parapluies de Cherbourg" à "Un été 42", les bandes originales signées Michel Legrand sont entrées dans les mémoires, ce qui n'empêche pas ce compositeur mondialement connu de se considérer encore "comme un élève" alors que Paris accueille une rétrospective de sa riche carrière.
Le musicien donnera deux concerts vendredi et samedi à la salle Pleyel, consacrés pour le premier à ses musiques de films, avec l'orchestre national d'Ile-de-France, et pour le second au jazz. La cinémathèque lui rend hommage jusqu'au 2 mars à travers des projections.
"Ca m'inquiète un peu: quand on commence à vous honorer comme ça, ça veut dire qu'on devient un vieux con!", s'amuse-t-il dans un entretien accordé à l'AFP mardi, le jour de ses 77 ans, en avouant tout de même trouver "toutes ces caresses dans le sens du poil très sympathiques".
Auteur-compositeur, arrangeur, chanteur, chef d'orchestre, Michel Legrand mène depuis 55 ans une carrière riche et éclectique. Il a travaillé avec les plus grands, de Frank Sinatra à Jacques Brel en passant par Miles Davis.
Surtout, il a signé des dizaines de bandes originales de films qui lui ont valu la célébrité, avec entre autres "Les parapluies de Cherbourg" et "Les demoiselles de Rochefort" de Jacques Demy, "Eva" (Joseph Losey) ou "Breezy" (Clint Eastwood).
"L'Affaire Thomas Crown" (1969), "Un été 42" (1972) et "Yentl" de Barbra Streisand (1984) lui ont valu trois Oscars.
"Je ne fais pas une carrière, assure-t-il. Je m'essaie à toutes les disciplines musicales avec beaucoup de sérieux et de travail. Mais je m'essaie, je suis toujours un élève".
Il conçoit les musiques de films comme "un deuxième dialogue": "Il faut qu'elles racontent des choses".
Un point de vue qui lui a parfois valu "des conflits avec des metteurs en scène". "Comme ma musique parle beaucoup, certains avaient peur et me disaient: +Si je laisse ta musique sur cette scène, on ne voit plus ma scène!+", se souvient-il dans un sourire.
Il lui est impossible de citer une oeuvre particulièrement chère à son coeur: "J'aime tous mes enfants, qu'ils soient gros, maigres, petits, marrants ou tristes!".
En revanche, il évoque avec émotion "la confrérie" à laquelle il appartenait quand il vivait à Hollywood, aux côtés d'homologues aussi fameux que Quincy Jones, Lalo Schifrin, John Williams ou Henry Mancini.
"On se réunissait tous les mardis soirs, j'attendais ça avec impatience", glisse-t-il.
A son sens, les compositeurs de musiques de films ont d'ailleurs longtemps été sous-estimés.
"M. Pompidou et sa femme avaient décidé avec Boulez que la musique contemporaine était la seule qu'il fallait qu'on entende en France. C'était devenu la musique officielle. Nous, on n'existait pas", juge-t-il.
"Maintenant, la musique contemporaine s'est effritée comme un château de cartes et nous, on ressort comme des icebergs", estime-t-il.
Michel Legrand, qui sort d'une tournée en Angleterre, fourmille de projets aux quatre coins du monde: "Je veux réaliser des films, je vais faire un disque de chant à Los Angeles avec des musiciens américains, +Marguerite+, le dernier spectacle que j'ai écrit, est joué à Tokyo et on va adapter les +Parapluies de Cherbourg+ à Bombay pour Bollywood" (l'industrie cinématographique indienne).
"La vie est formidable quand on vit de sa passion, s'exclame-t-il. Je me sens en pleine jeunesse, j'ai l'impression d'être dans le film +Benjamin Button+ et de rajeunir d'un an tous les ans!".
