Partager:
Deux héroïnes littéraires défiant la norme inspirent deux films sur l'amour et la filiation, l'identité et la trahison, en salles à partir de mercredi : "Nous, princesses de Clèves", documentaire tourné avec des lycéens, et "Médée miracle" avec Isabelle Huppert.
Né d'une envie de réaliser un film sur la souffrance "de et dans" l'institution scolaire, "Nous, princesses de Clèves" de Régis Sauder met en scène des élèves du lycée Diderot dans les quartiers nord de Marseille.
Une quinzaine d'entre eux sont filmés dans leur première rencontre avec le monument littéraire qui les inspire d'abord parce qu'il parle d'amour absolu.
A la veille de passer leur bac de français, garçons et filles sont filmés s'appropriant le texte de Mme de La Fayette et l'utilisant pour parler de leur quotidien émotionnel.
Premiers émois, premiers renoncements, le propos alimente peu à peu leur réflexion sur la relation aux autres, à la famille et à la vie en société avec ses codes et ce qu'ils semblent leur imposer : ne pas trahir, ne pas se renier, ne pas déroger, ne pas décevoir.
Chacun des jeunes explique combien finalement le texte l'aide à comprendre le monde dans lequel il vit et l'importance de l'amour. L'une des forces du documentaire tient à la sincérité du propos, même gauche, lorsque les élèves se mettent en scène, et à leur réelle soif de connaissance : "on ne veut pas de sous-littérature écrite pour nous, on veut de la grande littérature", dit l'un d'entre eux.
Leur quotidien, filmé pendant plusieurs mois, permet aussi d'entendre la parole de leurs parents, de leurs familles, qui souhaitent qu'ils réussissent à l'école mais surtout "qu'ils soient heureux".
Dans "Médée miracle" du réalisateur italien Tonino de Bernardi, Médée, mère infanticide de la tragédie grecque, est Irène (Isabelle Huppert), une étrangère qui vient de l'Est en lutte contre une société française du 21e siècle qui nie son identité dans ce qu'elle a de plus intime et cherche à la soumettre.
Son mari, Jason (Tommaso Ragno) la quitte, se remarie avec une Française et la sépare de ses enfants mais "Médée-Irène" ne les tue pas. La possibilité d'un tel meurtre reste un fantasme violent.
Le film est né d'une rencontre entre le réalisateur, figure du cinéma indépendant italien, et l'actrice française au festival de Locarno.
Tonino de Bernardi, dont plusieurs des films s'inspirent de la tragédie grecque, choisit de mettre en scène une femme qui parvient à transcender la violence dont elle est victime par la douceur et à s'extraire de la souffrance en se consacrant aux autres.
Elements clés de ce parcours, la musique et la poésie, sont récurrentes tout au long du film où Irène chante dans un cabaret. Les scènes, tournées à la périphérie de Paris, sont une alternance constante entre univers réel et imaginaire.
Le réalisateur choisit "Crazy love" (Marianne Faithfull, Nick Cave) comme fil rouge de la tragédie solitaire de l'héroïne, qui évolue entre trahison et abnégation à la recherche de son identité perdue.
Isabelle Huppert avait déjà interprété Médée dans la version d'Euripide mise en scène par Jacques Lassale au Festival d'Avignon en 2000.
