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Un film sortant cette semaine sur les grands écrans à Berlin -- le "Baron Rouge" -- marque la première fois depuis l'époque nazie qu'un film allemand se permet de mettre en scène un héros de guerre.
Le film, d'un coût de plus de 18 millions d'euros, raconte l'histoire de Manfred von Richthofen, jeune aristocrate et as de l'aviation pendant la 1re guerre mondiale qui abattit 80 avions ennemis, soit plus que n'importe quel autre pilote.
Sa légende, même à l'époque, et sa mort au combat, avaient fait les grands titres non seulement de la presse allemande, mais aussi des journaux britanniques et américains.
Mais le "Baron Rouge", surnom qui lui fût attribué après-guerre en raison de la couleur dont il avait fait peindre son triplan, revient cette fois sous la forme d'un combattant toublé par l'hécatombe sanguinaire de la guerre, une image qui, selon les historiens, en dit plus sur les difficultés de l'Allemagne à se réconcilier avec son passé militariste que sur le personnage historique.
Le film, réalisé en anglais afin d'améliorer ses chances de distribution à l'étranger, retrace l'épopée du jeune baron, aviateur baroudeur, coqueluche des médias, héros torturé.
"C'était un tueur en série qui défendait son pays", estime Matthias Schweighoefer, qui joue le rôle du baron.
Or le film ouvre sur le ton de la chevalerie, le jeune homme affirmant à ses camarades: "Notre but est d'abattre des avions, pas des pilotes. Nous sommes des sportifs, pas des bouchers."
Mais c'est une jeune infirmière qui lui fait prendre compte du coût de la guerre en lui montrant les corps déchiquetés dans son infirmerie.
Le jeune pilote commence à douter du bien-fondé de la guerre, au point qu'il affronte le commandant-en-chef Paul von Hindenburg, une scène totalement fantaisiste selon les critiques.
"Nous avons changé notre monde en abattoir", lance un Richthofen désespéré.
C'est l'acteur britannique Joseph Fiennes qui joue le rôle de Roy Brown, le pilote canadien qui pourrait avoir abattu le "baron rouge" le 25 avril 1918. Selon les historiens, le baron pourrait également avoir été victime de tirs australiens.
Jasper von Richthofen, un cousin germain du baron qui préside l'association de la famille Richthofen, admet que le film est loin de refléter la réalité.
Mais, ajoute-t-il, le baron a toujours servi d'écran sur lequel les générations successives projettent leurs idéaux.
"Ils ont créé un héros très moderne -- quelqu'un qui a des doutes et qui se pose des questions quant à savoir si la guerre mérite d'être faite et comment l'arrêter--", a affirmé Jasper von Richthofen.
Selon le réalisateur Nikolai Müllerschön, le film ne prétend pas être une leçon d'histoire, mais un nouveau regard sur un personnage hors du commun.
"Ce qui est important pour moi, c'est qu'il réponde à nos préoccupations d'aujourd'hui lorsque nous vivons dans un monde dans lequel de nouvelles guerres se font tous les jours", affirme-t-il.
L'Allemagne de l'après-guerre est fortement pacifiste, comme le montre l'opposition au déploiement de soldats en Afghanistan. Mais, ces dernières années, le pays a gagné en assurance et n'hésite plus à évoquer les thèmes de guerre au cinéma comme sur le petit écran.
Cette année, un téléfilm, le "Gustloff", a ainsi traité de la mort de 9.000 personnes lors du torpillage d'un paquebot allemand en mer Baltique.
Richthofen est le produit d'une époque héroïque bien différente de celle d'aujourd'hui, son nom ayant servi la propagande militariste pendant deux guerres mondiales.
"En Allemagne, cet as était un héros national, mais il était également respecté et admiré par ses ennemis", selon Reiner Herrmann, un historien qui a conseillé les cinéastes.
"Ce qui est surprenant c'est qu'il semble être plus connu aujourd'hui à l'étranger qu'en Allemagne", a-t-il ajouté.
