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Hormones de croissance : le professeur Job se défend sur tous les fronts

Deux jours avant la fin du procès fleuve des hormones de croissance, la défense du professeur Jean-Claude Job s'est livrée mercredi à un délicat mais efficace travail de sape des arguments de l'accusation contre cet octogénaire sur qui s'est cristallisée la haine des familles de victimes.

"Ne jetez pas le nom de M. Job à la vindicte populaire", plaide Me Daphné Bès de Berc, dont la tâche n'est pas aisée : défendre le pédiatre dont l'enquête a fait la "cheville ouvrière" de ce scandale sanitaire des années 80, marqué par la mort à ce jour de 105 jeunes, terrassés par la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ).

Après trois mois et demi de procès au tribunal correctionnel de Paris, dont la moitié consacrée à l'agonie des victimes, elle prévient d'emblée les familles : "M. Job va se défendre et, même si, et il le sait, cela vous est insupportable. Et ce n'est pas nier les souffrances de vos enfants, cela ne veut pas dire qu'il ne reconnaît pas ses erreurs, qu'il s'est trompé mais pas qu'il vous a trompés".

Et de se dire "profondément choquée par la manière dont l'instruction a été menée à charge" par la juge Marie-Odile Bertella-Geffroy.

"La justice porte la lourde responsabilité de 20 ans d'errements, d'incertitudes et de souffrance des familles auxquelles on a fait croire qu'on tenait les coupables et qu'ils allaient payer cher, pour finir par vous envoyer un dossier vide", lance-t-elle aux juges.

Jean-Claude Job, ancien président de France Hypophyse, association qui avait le monopole du traitement, "ne doit pas servir de fusible à la douleur des familles". "Ce n'est pas un nom que l'on pourrait traiter d'assassin et condamner pour l'exemple", leur dit-elle. "Je ne demande pas l'indulgence vu son grand âge, ou la clémence, mais un examen du dossier sans préjugé, ni pré requis".

Elle entreprend de démolir pierre par pierre l'édifice bâti par l'accusation.

Les hypophyses, glandes crâniennes servant à fabriquer l'hormone de croissance, étaient prélevées sur des morts "à risques", victimes de maladies nerveuses. La faute, dit l'avocate, en revient aux seuls hôpitaux, dont pas un dirigeant ne figure parmi les prévenus.

France Hypophyse était forcément coupable de laxisme, ont dit les procureurs, puisque aucune personne traitée à l'hormone fabriquée industriellement n'est tombée malade.

Faux, répond Me de Berc, "il existe au moins une personne en France contaminée par l'hormone industrielle et elle n'est sûrement pas la seule".

L'avocate montre ensuite du doigt les importations massives, dès 1983, d'hypophyses de Bulgarie, "où aucune enquête n'a été menée". "Elles arrivaient en vrac, dans des sacs papier, parfois pourries, nauséabondes".

Les méthodes d'extraction non stériles de l'hormone reprochées à l'Institut Pasteur ? Le manque de rigueur de la Pharmacie centrale des hôpitaux ? "France hypophyse n'avait pas de contrôle" sur eux, qui "oeuvraient dans la plus parfaite autonomie", dit Me de Berc.

Elle stigmatise aussi le rôle de l'Etat, dont les représentants formaient "la moitié du conseil d'administration de France Hypophyse" et à qui l'instruction a reproché tout au plus d'être restés "passifs".

"Ils dormaient ?", s'indigne l'avocate, "tant pis pour eux. M. Job n'a pas à payer pour leur léthargie".

Le professeur pouvait-il avoir conscience des risques de contamination avant le premier cas aux Etats-Unis en 1985 ? "Tous les spécialistes ont dit la même chose. On ne savait pas. On ne pouvait pas l'imaginer".

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