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Le Pô, fleuve malade de la sècheresse, otage d'utilisateurs trop gourmands

\"Le Pô est un fleuve malade\": sur son bateau de croisière immobilisé, Giuliano Landini se lamente devant le dépérissement du plus grand fleuve italien, affaibli par le manque de précipitations et par le pompage pour l\'agriculture et l\'industrie.

A Boretto, près de Parme (centre), le Pô, 652 km, ressemble plus à une rivière qu\'à un fleuve et coule entre de larges plages de sables où trois personnes prennent le soleil sous une chaleur de plomb.

Le Stradivari, le bateau de croisière fluviale de la famille Landini, est bloqué depuis le 10 juillet par le niveau trop faible du fleuve. \"En 30 ans, le niveau a baissé de 4 mètres et depuis 2002 la situation est vraiment difficile\", avance M. Landini.

Un peu plus en aval, plusieurs arbres en bord de fleuve sont réduits à des troncs brûlés par le soleil. \"Leurs racines ne descendent plus suffisamment dans le sol pour trouver l\'eau\", explique un employé de l\'Arni, l\'agence régionale chargée de la navigation sur le fleuve.

En face, des alvéoles en béton paraissent à l\'abandon. \"Il s\'agit du port inauguré l\'an dernier, une cathédrale dans le désert car il est inutilisable en raison du manque de profondeur\", indique l\'employé.

L\'exemple du port de Boretto illustre la bataille pour le contrôle de l\'eau qui fait rage entre agriculteurs, industriels et navigation tout le long du fleuve.

Selon les services météo de la région Emilie-Romagne, les pluies ont baissé de 20% depuis 1975 sur le bassin du Pô avec des variations qui se sont amplifiées selon les saisons. Le débit du fleuve s\'est réduit de 25% depuis cette date avec des pointes à 50% en été.

\"La cohabitation avec l\'agriculture, grosse consommatrice d\'eau, est difficile. Le bassin du Pô représente 35% de la production agricole italienne et nous, navigateurs, sommes en position de faiblesse\", estime le directeur de l\'Arni, Ivano Galvani.

Toujours à Boretto, 28 grosses pompes capables de prélever 60 mètres cubes d\'eau à la seconde alimentent 70.000 hectares de terres agricoles.

Le président du consortium gérant l\'installation, Marino Zani, défend les agriculteurs qui affrontent \"depuis 4 ans une crise hydrique\".

\"Nous investissons pour encourager les économies d\'eau et nous avons récemment indexé les tarifs sur les quantités utilisées\", indique-il.

\"En amont, nous subissons l\'effet des retenues d\'eau pour les centrales hydroélectriques, du tourisme sur les lacs ainsi que les dégâts provoqués par une forte urbanisation\", ajoute M. Zani.

En bout de course, les riziculteurs du delta s\'affichent aussi en victimes. A cause du débit trop faible du Pô, la mer Adriatique prend le dessus et \"raccourcit\" le fleuve de plusieurs kilomètres, entraînant sa salinisation.

\"L\'an dernier, j\'ai perdu pratiquement toute ma récolte à cause de la sécheresse et du sel. Aussi j\'ai décidé de ne pas cultiver cette année\", explique Deborah Piovan, président de l\'association des riziculteurs du delta du Pô.

\"Il faut qu\'en amont, ceux qui utilisent le fleuve fassent attention et il faut redonner de la force au Pô. Le riz est une culture tropicale qui ne peut fonctionner sans eau\", souligne t-elle.

Pour Pierluigi Viaroli, professeur de sciences de l\'environnement à l\'université de Parme, le Pô a un urgent besoin de soins.

\"Son état a été très dégradé par les prélèvements sauvages de sable dans ses fonds dès les années 60. Ces dernières années, la baisse des pluies et l\'augmentation de la consommation d\'eau et des gaspillages l\'ont encore affaibli. Il faut vraiment plus de sobriété dans son utilisation\", estime t-il.

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