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En Amérique du Nord, les micro-brasseries se multiplient à grande vitesse. Adieu la Budweiser, cette blonde sans goût ! Désormais, les Américains trempent leurs lèvres dans des stouts, des triples ou des blanches fabriquées maison qui se revendiquent de la tradition belge. Et ils font ça tellement bien que, selon certains, nos célèbres trappistes risquent bientôt d’être « has been ». Reportage au Michigan, dans la région des grands lacs, où le coq wallon sert carrément d’emblème à une bière locale.
De l’eau à la bière, on le sait, il n’y a qu’un peu de chimie : du malt, du houblon et des levures, dosés par le grand alambiqueur en chef, le brasseur. Est-ce pour cela qu’au Michigan, cette main de terre posée au milieu des grands lacs d’Amérique du Nord, les micro-brasseries se sont mises à pousser comme des champignons? Toujours est-il que cet État de dix millions d’habitants, planté à mi-chemin entre New York et Chicago, en compte aujourd’hui plus de 130. Un chiffre spectaculaire si on songe que voici 25 ans, il n’y en avait que trois. "On ne peut plus rouler vingt kilomètres sans boire une bière", plaisante un gars du coin. La Budweiser n’a qu’à bien se tenir. Les habitants des grandes plaines trempent désormais leurs lèvres dans des triples, des blanches, des stouts, des blondes houblonnées, des Saison, des Ale à la pêche ou au potiron ; on trouve même des bières acidulées, style gueuze. La créativité est telle que des petits farceurs, dans un fanzine étudiant, délirent sur une bière à la couleur orange. Boire de la bière artisanale, ici, est une ode au réveil des papilles, au retour au goût, après des années à subir d’insipides mets industriels. C’est aussi un acte de soutien au petit commerce local, créateur d’emplois dans une région ravagée par les délocalisations. Le secteur ne cesse d’embaucher, au point qu’il devient difficile de trouver de bons candidats pour surveiller les brassages. Alors, les occasions de célébrer la formidable générosité du dieu houblon ne manquent pas.
Comme lors de ce festival de la bière artisanale, un samedi d’octobre, à Detroit. La capitale mythique de l’automobileet de la techno a beau être rongée par la crise industrielle, l’ambiance est surchauffée, à michemin entre l’Oktoberfest de Munich et le Festival du film fantastique de Bruxelles. Le public, souvent déguisé, se balade avec des colliers de Bretzel et rugit dès que quelqu’un se met à pousser un cri guttural. Un groupe joue du rock des années 1990. On se sent loin de la ville en ruines et de sa population à 80 % afro-américaine. Ici, l’amateur de bière est souvent un homme blanc, la trentaine, avec un goût prononcé pour les tatouages. Un type rougeaud s’empare du micro : "On n’est pas ici pour la bière du Colorado ou de Californie, hurle-t-il. La meilleure bière, c’est celle du Michigan !" Il faut dire que la région natale d’Iggy Pop a quelques rivaux de taille. L’association des brasseurs américains tient les comptes. Leader incontestable : la Californie, avec ses 381 brasseries artisanales. Elle est suivie par Washington, Oregon et Colorado. Le Michigan caracole en cinquième position, ce qui n’est pas mal sur 51 États et explique sans doute cette crise de chauvinisme aigu.
Dans le ciel limpide d’automne, un détail incongru retient soudain l’attention. Un drapeau wallon, coq rouge sur fond jaune, se balance dans le vent. Ça fait quelque chose de le voir là, à plus de 6 000 km de son terroir natal. Et ce n’est pas tout : le volatile écarlate s’est aussi installé sur les casquettes, tee-shirts et chemises en coton noir d’une armée de types barbus et souriants. Jamais l’emblème régional n’a paru si décontracté. " Brasserie Vivant : Belgian tradition, local
mission ", peut-on lire sur une banderole. Ben, chargé des relations publiques, ne sait pas très bien comment le gallinacé a atterri là. La Wallonie a l’air d’être pour lui... lire la suite dans le magazine 24h01
