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Manipulations, intox et guerre contre le terrorisme sont au coeur de "Mensonges d'Etat" de Ridley Scott, avec Leonardo DiCaprio, thriller géopolitique qui s'efforce de rendre compte de la complexité de la situation au Proche-Orient mais ne convainc que très partiellement.
Le film ("Body of Lies" en V.O.) est basé sur le livre "Une vie de mensonges" de David Ignatius, journaliste au Washington Post, qui a précédemment couvert pendant dix ans les activités de la CIA et la crise du Proche-Orient pour le Wall Street Journal. L'ouvrage a été adapté par Scott et William Monahan, Oscar du meilleur scénario pour "Les infiltrés" de Martin Scorsese en 2007.
Le récit s'articule autour de l'opposition entre deux espions, interprétés par DiCaprio et Russell Crowe (pour sa cinquième collaboration avec Ridley Scott après "Gladiator", "Une grande année", "American gangster" et avant "Nottingham" qui sortira l'an prochain).
Le premier, Roger Ferris (convaincant DiCaprio), est un homme de terrain qui traque les cellules terroristes islamistes en Irak et dans tout le Proche-Orient. Il parle arabe, respecte les cultures locales et essaie de ne pas imposer son point de vue d'Américain à ses alliés. Il n'est pas pour autant un pur idéaliste puisque ses opérations périlleuses l'amènent à manipuler ou tuer de sang froid.
Le second, Ed Hoffman (Crowe, cheveux grisonnants et bedaine imposante), est son mentor.
Ce personnage cynique au profil de faucon néo-conservateur agit à distance, des Etats-Unis, donne ses instructions à Ferris par téléphone et suit ses faits et gestes par écrans vidéos interposés, grâce aux satellites qui surveillent le jeune agent. Il ne s'embarrasse pas de problèmes de conscience: pour lui, tous les moyens sont bons pour préserver la civilisation telle qu'il l'envisage.
Après une mission en Irak, Ferris part pour Amman sur les traces du chef d'une nouvelle cellule terroriste qui a commandité de sanglants attentats en Europe.
Il va devoir travailler sur les nébuleuses terroristes et leur financement occulte. Pour cela, il conclut une alliance fragile avec le chef du renseignement jordanien (l'excellent Mark Strong, qui, physiquement, rappelle énormément Andy Garcia), sans jamais pouvoir être sûr de la confiance qu'il place en ses interlocuteurs. Parallèlement, il tombe amoureux d'une jeune infirmière (l'actrice iranienne Golshifteh Farahani).
Du point de vue de la mise en scène, "Mensonges d'Etat", qui rappelle "La chute du faucon noir" (autre film de Ridley Scott datant de 2001) pour son côté hyperréaliste, est efficace et plutôt réussi grâce au savoir-faire du réalisateur. Sur le fond, le film essaie d'éviter les visions trop tranchées et d'apporter une vision nuancée du Proche-Orient.
Il pêche pourtant par une intrigue inutilement complexe et par l'inclusion d'éléments hollywoodiens (péripéties superflues, histoire d'amour sans grand intérêt pour le récit) qui nuisent au propos.
Les thèmes de la confiance comme valeur relative, de la trahison, de l'antagonisme entre technologie désincarnée et humanité organique, de la surveillance et de la paranoïa qui en découle ne sont malheureusement pas approfondis.
Scott, dont le précédent long-métrage, "American gangster", était sorti il y a un an seulement, signe ici un film d'honnête faiseur alors qu'un parti-pris plus auteuriste aurait pu donner infiniment plus de chair à ce "Mensonges d'Etat".
