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Les chansons vieilles de plus de 50 ans doivent être utilisées avec précaution

Ce n'est pas parce que des chansons, vieilles de plus de 50 ans, sont tombées dans le domaine public qu'on peut les utiliser n'importe comment. C'est, en substance, ce qu'a estimé la cour d'appel de Paris dans un arrêt donnant raison à Henri Salvador, aujourd'hui âgé de 90 ans.

Un tel arrêt pourrait inspirer de nombreux artistes français, tels Johnny Hallyday, Sylvie Vartan ou encore Françoise Hardy, qui fêteront bientôt leurs 50 ans de carrière.

Dans cet arrêt, obtenu jeudi, la 4e chambre civile de la cour d'appel a condamné Jacky Boy Music (JBM), une société qui avait, en 2005, édité sans autorisation une compilation de chansons d'Henri Salvador, à lui verser 85.000 euros de dommages et intérêts, plus 20.000 euros au titre des frais de justice.

Cette compilation comprenait 18 chansons enregistrées par l'artiste entre 1948 et 1952, parmi elles, six dont il était l'auteur.

Le CD litigieux proposait notamment deux des plus célèbres chansons d'Henri Salvador, "Une chanson douce" et "Maladie d'amour".

JBM en avait vendu un peu plus 100.000 exemplaires aux enseignes Champion et Carrefour, qui les avaient distribués dans leurs magasins de France et de Belgique au prix d'un euro.

Confirmant en partie le jugement de première instance, la cour d'appel a de nouveau interdit mercredi la commercialisation des CD litigieux, et ordonné la destruction des stocks, sous peine d'astreinte.

La cour estime en effet que JBM a bien violé le droit moral d'Henri Salvador, et ce bien que la société se prévale d'une disposition du code de la propriété intellectuelle indiquant que 50 ans après le premier enregistrement d'une chanson, leur interprète ne dispose plus d'aucun droit patrimonial sur celle-ci.

Mais la cour d'appel a été encore plus loin. Alors qu'en novembre 2006, le tribunal n'avait reconnu que le préjudice moral d'Henri Salvador en sa qualité d'auteur, la cour a également retenu son préjudice en qualité d'artiste-interprète, ainsi qu'une atteinte à son droit à l'image. JBM avait en effet reproduit une photo du chanteur "de piètre qualité" sur la pochette du CD.

Loin des 12.000 euros de dommages et intérêts prononcés en première instance, la cour d'appel a donc condamné JBM à verser au chanteur un total de 105.000 euros.

Selon l'avocate du chanteur, Me Joëlle Aknin, cet arrêt est "remarquable" car c'est la première fois qu'une juridiction précise dans quelles conditions peut être utilisée une chanson, une fois qu'elle est tombée dans le domaine public.

En substance, explique Me Aknin, la cour dit que "ce n'est pas parce que vous n'avez plus de redevance à payer à l'artiste au titre des droits patrimoniaux que vous pouvez utiliser ses chansons de façon sauvage".

Dans son arrêt, la cour constate ainsi que la compilation litigieuse "présente une qualité sonore d'une grande médiocrité".

"Les techniques actuelles de remasterisation permettant de pallier les imperfections ou les altérations dues au temps qui passe, il appartenait à la société JBM, alors même que l'interprétation des titres repris (...) est tombée dans le domaine public, de se rapprocher d'Henri Salvador pour recueillir son autorisation de reproduire, avec les altérations constatées de la version originale, l'interprétation des titres réunis sur la compilation", juge la cour.

Selon les juges, il est indiscutable que cela a "porté atteinte au droit moral" du chanteur. Et ce d'autant plus que la compilation a été vendue à "un montant dérisoire", eu égard à la carrière "exceptionnelle" d'Henri Salvador, et que le CD a été commercialisé dans des grandes surfaces, milieux "étrangers à la sphère artistique".

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