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Cambodge: deux ex-dirigeants des khmers rouges inculpés de génocide

Deux ex-dirigeants du régime des khmers rouges au Cambodge (1975-79) ont été inculpés de génocide à l'encontre des Vietnamiens et de la minorité musulmane des Chams, marquant une première dans l'histoire du tribunal parrainé par les Nations unies.

Le numéro deux et idéologue du régime de Pol Pot, Nuon Chea, et son ministre des Affaires étrangères, Ieng Sary, se sont vus notifier ces nouvelles poursuites cette semaine, a indiqué Lars Olsen, porte-parole de la cour.

"C'est la première fois que quelqu'un est inculpé de génocide devant ce tribunal", a-t-il ajouté. Les deux hommes sont aussi poursuivis notamment pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité.

Ils doivent être jugés en principe d'ici 2011 avec Khieu Samphan, président du Kampuchéa démocratique, et Ieng Thirith, ministre des Affaires sociales du régime et épouse de Ieng Sary.

Le magistrat instructeur, le Français Marcel Lemonde, devrait clore son enquête dans les semaines à venir. Les avocats de la défense auront alors quelques mois pour demander des actes supplémentaires, avant le renvoi formel des quatre accusés devant le tribunal.

Le terme de génocide est communément utilisé pour évoquer les massacres commis par les Khmers rouges. Entre 1975 et 1979, jusqu'à 2 millions de personnes, soit un quart de la population de l'époque, sont mortes sous la torture, d'épuisement ou de malnutrition.

Mais le crime de masse ne suffit pas à qualifier un génocide, une notion que les Nations unies ne retiennent que pour des crimes "commis dans l?intention de détruire, intégralement ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux".

Or, "ce sont des criminels khmers qui ont commis des atrocités contre la population khmère. Il est impossible de dire qu'il y avait intention de détruire les Khmers", a expliqué Lars Olsen.

En revanche, le juge d'instruction semble avoir acquis la conviction que les deux accusés avaient bien, dans le cadre de leurs fonctions, pour objectif d'exterminer les Chams, les Vietnamiens du Cambodge et ceux rencontrés lors des incursions en territoire vietnamien de l'armée khmère rouge.

"Je crois que le tribunal sera plus soutenu par la population avec ces inculpations de génocide, car les gens ont la sensation que c'est bien ça qui s'est passé", a estimé mercredi Youk Chhang, directeur du Centre de documentation du Cambodge.

Les Chams vivent principalement dans les provinces du centre du pays et représentent environ 1,6% de la population du Cambodge actuel, pays à majorité bouddhiste. Selon les historiens, entre 100.000 et 400.000 Chams ont été massacrés pendant cette période.

En revanche, aucune estimation précise du nombre de victimes vietnamiennes n'est disponible, selon Youk Chhang.

Ce procès des quatre plus hauts dirigeants vivants du "Kampuchéa démocratique" est le deuxième prévu par la cour, mise en place en 2006 après d'interminables négociations entre le Cambodge et la communauté internationale.

Le mois dernier, l'accusation a réclamé 40 ans de prison à l'encontre de Kaing Guek Eav, alias Douch, patron de la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh, dans laquelle quelque 15.000 personnes ont été torturées avant d'être exécutées.

Douch est notamment accusé de crimes de guerre et crimes contre l'humanité. Le verdict est attendu début 2010.

Cinq autres individus sont visés par des enquêtes. Mais le gouvernement cambodgien a répété qu'il s'opposerait à ce qu'elles aboutissent.

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