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En 2023, les déclarations de consentement explicite pour le don de matériel corporel humain ont fortement augmenté en Belgique, où chaque personne est présumée donneuse après décès. Depuis 2020, les citoyens peuvent aussi préciser leur choix pour le don de matériel corporel post-mortem. L'Université de Liège, en manque de corps, lance un appel aux dons pour la science.
Sur les tables de l'école de médecine de l'Université de Liège, huit corps sont allongés. Une trentaine d'étudiants en troisième année de médecine se concentrent sur la dissection de ces cadavres réels, scrutant les moindres détails de l'anatomie humaine. "On découvre le corps humain", explique Louis, un étudiant. "On se familiarise avec les tissus humains." Léa, une autre étudiante, ajoute : "On ne se rend pas compte de l'épaisseur des tissus musculaires et de la graisse. Ensuite, on arrive aux muscles et on voit leur texture, leur couleur, qui sont différentes de la graisse."
Leur premier contact avec la mort
Pour Valérie Defaweux, directrice du laboratoire d’anatomie de la faculté de Médecine de l’Université de Liège, cet exercice est essentiel. "C'est une prise de conscience de leur futur métier. Pour la plupart, ce sont de jeunes adultes, et c'est leur premier contact avec la mort. Appréhender cette dimension fait aussi partie du métier." Les étudiants examinent donc les corps avec minutie, adoptant peu à peu le regard de futurs médecins.
Ces étudiants sont aussi bien conscients que derrière ces cadavres se trouvent des donateurs, des personnes qui ont choisi de léguer leur corps à la science. "Parfois, ça me traverse l'esprit. On reste humain", confie une étudiante. "L'émotion est là aussi. On se demande si on va réussir à terminer le TP. Mais au fur et à mesure des séances, on prend du recul", ajoute une autre.
Une manière de se dire qu'on est utile
Jean-Pierre, venu s'inscrire pour donner son corps à la science après sa mort, est informé par un médecin : "La famille a entre 24 et 72 heures pour se recueillir." Convaincu de l'intérêt de la démarche, Jean-Pierre exprime son point de vue : "C'est une manière de se dire qu'on est encore utile. Cela peut être effrayant d'imaginer son corps disséqué, mais après réflexion, il est tout aussi effrayant d'imaginer son corps incinéré."
Alain Botte, responsable des dissections, accompagne Jean-Pierre et lui explique qu'il est normal d'avoir des doutes. "Si vous changez d'avis dans 5 ou même 10 ans, on annule, sans poser de questions." Pour Alain, chaque corps est utile, peu importe le vécu de la personne.
L'Université de Liège en manque de corps
Cependant, l'Université de Liège manque de corps. Dans les réserves qui abritent les cadavres, Alain Botte fait remarquer à quel point elles sont vides. Chaque année, le laboratoire d’anatomie reçoit environ 80 corps, alors qu'il en faudrait 120 pour répondre à une demande croissante. Les corps servent non seulement à former les étudiants, mais aussi à d'autres professionnels. "Certains viennent s’entraîner pour des interventions chirurgicales complexes, ou tester de nouvelles techniques et matériaux", précise Valérie Defaweux.
Face à cette pénurie, la faculté de médecine encourage les potentiels donateurs à se manifester. Bien souvent, le donateur doit convaincre son entourage. "C'est un point de vue égoïste, mais c'est difficile de ne pas avoir le corps au funérarium", commente la fille de Jean-Pierre. "Savoir que mon corps servira à quelque chose m'aide à mieux accepter la mort", explique Jean-Pierre.
"Quelqu'un qui donne son corps contribuera sûrement à une opération", souligne un étudiant. Toutefois, les familles doivent parfois patienter plusieurs mois, voire jusqu'à trois ans, pour récupérer le corps. Une chose est certaine, assurent les responsables du laboratoire : le défunt sera respecté du début à la fin.