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"Joyland", confusion des genres et patriarcat au Pakistan

Homosexualité refoulée, patriarcat étouffant, personnes transgenres établies: "Joyland", en salles mercredi, balaie les clichés sur la société pakistanaise, ce qui lui a valu les foudres de la censure au pays, avant d'être finalement autorisé.

Le film, qui a obtenu la "Queer Palm", récompense LGBT+, en mai au Festival de Cannes et qui représentera le Pakistan aux prochains Oscars, avait vu sa sortie empêchée un temps, après les protestations de groupes islamistes.

Les personnes transgenres "ne vivent pas aussi librement (qu'elles) le feraient par exemple en France, mais leur mode de vie est loin de ce qu'on imagine en Occident quand on pense +monde musulman+", décrivait à Cannes le réalisateur Saim Sadiq, dont c'est le premier long-métrage.

Le Pakistan "est très schizophrène, bipolaire presque, dans la mesure où vous avez, bien sûr, une certaine violence envers une communauté particulière (les personnes transgenres) d'un côté, mais aussi cette loi très progressive, passée en 2018, qui autorise chacun à s'identifier par son genre, y compris un troisième genre", soulignait le cinéaste.

Bien que leurs droits soient a priori protégés par la loi, la plupart des personnes transgenres au Pakistan sont forcées à vivre en marge de la société, devant souvent mendier, danser lors de mariages ou se prostituer pour pouvoir survivre.

En 2009, le Pakistan a été parmi les premiers au monde à légalement reconnaître un troisième sexe. Puis en 2018, il a adopté une loi accordant aux personnes transgenres le droit de déterminer elles-mêmes leur sexe sur tous les documents officiels et même d'opter pour un mélange des deux.

Mais ces avancées et toutes les tentatives de mieux protéger encore les droits des personnes transgenres au Pakistan ont fait l'objet d'une féroce résistance des partis islamistes qui dénoncent l'intrusion de valeurs occidentales.

- Engrenage infernal -

"Joyland" conte l'histoire d'Haider (Ali Junejo), fils cadet d'une cellule familiale de deux couples qui vivent sous le même toit et sous l'autorité du patriarche.

Sa femme travaille, pas lui, ils n'ont pas encore d'enfant et on sent bien qu'il déçoit son père, vieux chef de clan, en n'épousant pas les contours virilistes en vigueur.

Comble de la situation, quand il trouve enfin un emploi, c'est comme danseur dans un cabaret dont les stars sont des artistes transgenres. Et voilà qu'il tombe sous le charme de l'une d'entre elles, Biba, surnommée "Madame", meneuse de revue ambitieuse et haute en couleur.

Elle est incarnée par Alina Khan, qui avait répondu à une petite annonce du réalisateur pour son court-métrage "Darling" (2019). A Cannes, où elle a fait sensation, elle s'est dite fière de "représenter la communauté trans qui n'a pas toujours une si grande opportunité au Pakistan". "Le message que je veux envoyer au monde est que la communauté trans doit pouvoir faire ce qu'elle veut comme n'importe qui".

Le film s'attaque aussi aux valeurs patriarcales, avec le personnage de Mumtaz (Rasti Farooq), la femme d'Haider, priée de lâcher son travail et de rester à la maison pour aider sa belle-sœur qui a quatre enfants. Un engrenage infernal.

Mumtaz dépérit comme un insecte coincé dans un bocal quand "Madame" papillonne sous les lumières du cabaret où elle se produit, tentant en coulisses de se fabriquer une vie de couple.

"Les femmes se battent contre leur domestication et, pour les femmes, trans c'est pratiquement l'inverse, elles se battent pour une place dans leur foyer. Elles se battent pour rester dans leur famille, pour ne pas se retrouver à la rue", développait le réalisateur à Cannes.

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