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Manifestations à Liège et Bruxelles contre la fermeture des lieux culturels

Plusieurs centaines de personnes se sont rassemblées ce matin devant le cinéma Sauvenière à Liège. Dans l'après-midi, environ 10.000 personnes ont aussi manifesté leur colère à Bruxelles, avant de se disperser vers 16H. Ces mobilisations font suite au dernier comité de concertation. Ce dimanche est le jour de l'entrée en vigueur des nouvelles mesures prises, dont l'interdiction des activités, spectacles et évènements organisés en intérieur.

Travailleurs et soutien de la culture se sont rassemblés en nombre dès 14h00 au Mont des Arts à Bruxelles, et ce en dépit de la météo plutôt maussade. La police a évoqué la présence 5.000 manifestants. D'après notre estimation, ils devaient probablement être plutôt 10.000. Les participants ont souhaité dénoncer les nouvelles mesures destinées à lutter contre la propagation du coronavirus décidées par le dernier comité de concertation.

Les escaliers du Mont des Arts et la place de l'Albertine toute proche étaient noirs de monde, a constaté un correspondant de l'agence Belga et notre équipe sur place. A côté des parapluies, de nombreux manifestants arboraient également des pancartes avec des slogans tels que "La culture est une nécessité", "pas d'avenir sans culture", "un ministre de la Culture, s.v.p" ou encore "je bois volontiers un verre de vin chaud mais j'ai besoin de culture".

Sur un podium dressé au pied du Mont des Arts, des artistes ont exécuté de petites performances tandis que des acteurs du secteur culturel s'exprimaient pour condamner les nouvelles mesures destinées à lutter contre le coronavirus comme la fermeture obligatoire des salles de spectacles, le tout sous les acclamations du public. "Je vois beaucoup de parapluies, ça veut dire que le ciel pleure avec nous", s'est exclamé Stany Crets, qui a été le premier à appeler à la manifestation. "Je ne suis qu'un modeste artisan doté de bon sens, mais quelque chose m'a dit que c'était maintenant le seul bon moment pour nous de parler d'une seule voix. C'est un jeu politique et malheureusement nous sommes les victimes les plus faciles", poursuit l'acteur et réalisateur.

Le secteur culturel, qui a dû fermer ses théâtres et ses salles de spectacles à plusieurs reprises ces deux dernières années, exige des politiques qu'ils reviennent sur les mesures actuelles. Les acteurs culturels expliquent avoir déjà consenti de nombreux investissements en vue de pouvoir accueillir le public en toute sécurité.

Parallèlement, le secteur exige avec force la mise sur pied d'un cadre viable et rentable sur le long terme et accompagné de mesures de soutien, une vision basée sur des faits sur lesquels ils peuvent s'appuyer en lieu et place de cette politique "de feux clignotants".

Des prises de parole étaient prévues, entre autres de quelques poids lourds de la scène culturelle nationale: le directeur général de La Monnaie Peter De Caluwe, la directrice de Charleroi Danse Annie Bozzini ou encore le directeur artistique du KVS (le théâtre royal flamand) Michael De Cock. "C'est incroyablement réconfortant", a expliqué ce dernier. "'Ça suffit', comme cela a été dit sur le podium. On comprend que cela ne va plus et que les décisions prises ne sont pas cohérentes. Fermer seulement la culture est ridicule", a-t-il poursuvi.

L'incompréhension est grande au sein du monde culturel et la confiance dans les politiques est au plus bas. Le secteur entend voir lever les mesures prises le plus rapidement possible. "J'attends un signal politique et j'attends que quelque chose se débloque très vite. Toutes les mesures sont en place pour recevoir les personnes correctement et en toute sécurité et nous les avons mises en oeuvre  lors d'une phase précédente de la pandémie", a encore souligné Michael De Cock.

La manifestation au Mont des Arts s'est conclue au terme d'une heure de discours et de performance sur une chorégraphie dirigée par Anne Teresa De Keersmaeker sur un air de Stromae.

Vers 16H, les participants avaient largement quitté le Mont des Arts.

Manifestation à Liège

Un autre rassemblement a eu lieu ce matin à Liège. Les personnes réunies ont applaudi comme pour saluer un spectacle et surtout, pour en demander sa fin. Fini de jouer, demandent-ils, parce que le scénario proposé n'a plus aucun sens. "Il n'y a aucune preuve qu'il y a vraiment des clusters", nous dit un manifestant. "Je respecte à fond les règles, mais en tout cas ici, la culture pour le futur, pour les étudiants, pour les enfants, pour nous", nous confie une autre manifestante.

Pour eux, la question est : pourquoi les cinémas, théâtres et centres culturels sont-ils plus dangereux que les centres commerciaux ou les transports en commun ? Le secteur a déjà été fermé deux fois, pour un total de 11 mois, sans véritable incidence sur les différentes vagues. "Nous ne nions pas le problème de la pandémie évidemment, assure Stéphane Witngens, coordinateur du cinéma Les Grignoux. Mais nous n'acceptons pas d'être désignés comme les responsables de cette pandémie. Nous appliquons des protocoles stricts, nous sommes des professionnels de l'accueil dans des lieux fermés."

La grande honte, c'est de faire croire qu'on a toujours raison

L'objectif est clair : faire faire marche arrière au gouvernement. "À un moment donné, c'est bien de s'excuser, c'est bien de dire qu'on a merdé. Il n'y a pas de honte à ça, déclare Bouli Lanners, acteur et réalisateur. La grande honte, c'est de faire croire qu'on a toujours raison. Moi aussi, je fais des erreurs dans la vie. Il n'y a rien de plus beau qu'un type qui dit : on s'est trompé, on va faire marche arrière."

À l'ouverture des portes, des cinéphiles et militants entrent et vont voir un film de façon illégale. Ils étaient 850 selon la police, qui était donc présente, discrètement.  

La culture, la solution?

De nombreux lieux culturels, cinémas, théâtres, ont communiqué maintenir les dates qu'ils avaient à leur programme, bravant ainsi l'interdiction qui entre en vigueur ce dimanche. Le Théâtre National en fait partie. Dans un autre style, le cirque Bouglione indique dimanche qu'il accueillera bien du public dans son chapiteau à Bruxelles (place Flagey) aux heures prévues, "par solidarité (avec le) secteur culturel". Le cirque va cependant limiter sa jauge à 200 personnes.

Les manifestations de soutien viennent de tous horizons: l'Union de la Presse Cinématographique Belge a communiqué son indignation, mais aussi le "Conseil des recteurs" des universités francophones. La culture "n'est pas le problème mais la solution", appuie la CReF via communiqué. "Elle est au cœur de nos vies. On peut même dire qu'elle est un besoin vital, car elle contribue à donner du sens à nos existences, surtout quand ces dernières sont ébranlées."  Parmi les "résistants" figurent d'ailleurs des lieux qui disent avoir pris cette décision en accord avec les autorités publiques. C'est le cas du Centre Culturel d'Uccle, qui relève d'une commune dont le bourgmestre, Boris Dilliès, est pourtant d'un parti (le MR) qui participe aux gouvernements fédéral, wallon et francophone, tout comme l'échevine de la Culture Perrine Ledan, d'Ecolo.

Les autorités locales qui se sont exprimées, même si apparentées aux partis associés à la décision de mercredi, ne semblent pas vouloir se précipiter vers des sanctions.  Le président de l'Open Vld Egbert Lachaert a semblé reconnaitre à demi-mot que cette interdiction va trop loin, dans un message publié dimanche sur Twitter. Le variant omicron apporte "de l'incertitude dans la gestion" de la pandémie, ce qui a poussé le Comité de concertation à décider de mesures supplémentaires "par précaution". "Qu'elles ne touchent qu'un seul secteur, c'est vrai que c'était très dur", reconnait-il. "Il faudrait que les gouvernements dialoguent avec le secteur ces prochains jours, pour évaluer et éventuellement adapter" les mesures, indique-t-il sans préciser davantage

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