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Combien coûteront yaourts, steaks hachés ou pâtes dans les rayons au printemps? Seule certitude jeudi, quelques heures après la clôture des négociations commerciales entre les supermarchés et l'industrie agroalimentaire: la facture va grimper.
Les industriels et la Fédération du commerce et de la distribution (FCD) s'entendent pour dire que la hausse des prix payés par la grande distribution à ses fournisseurs devrait être de l'ordre de 10%, mais le chiffre précis ne devrait être connu que dans les prochains jours.
"Je ne vais pas me hasarder à donner un chiffre", mais "aujourd'hui, toute hausse, quelle qu'elle soit, est très difficile à vivre pour nos compatriotes", a relevé le ministre de l’Économie Bruno Le Maire jeudi matin, lors d'un déplacement au Salon de l'agriculture à Paris.
Les négociations annuelles permettent de fixer les prix et les conditions auxquelles les grandes surfaces s'approvisionnent auprès des industriels. Elles ont pris fin mercredi à minuit, après trois mois de pourparlers.
Leur conclusion aura un impact direct sur le ticket de caisse des consommateurs qui ont déjà vu leur pouvoir d'achat dégringoler en raison d'une inflation alimentaire évaluée par l'Insee à 14,5% sur un an en février.
Signe de l'âpreté des discussions, 20% des industriels de l'agroalimentaire n'avaient pas encore signé mercredi soir avec tous leurs clients distributeurs, selon la principale organisation du secteur, l'Ania.
Cette situation ouvre une période d'incertitude. Certes, les livraisons de produits ne cesseront pas du jour au lendemain, mais certains industriels font planer la menace d'une rupture de leurs relations commerciales avec des enseignes récalcitrantes. Des sanctions administratives peuvent également être prononcées en cas de dépassement de la date butoir et les discussions se poursuivent généralement sous l'égide d'un médiateur.
"On s'attend à beaucoup de travail pour le médiateur", a déclaré à l'AFP François-Xavier Huard, le patron de la Fédération des industriels du lait (Fnil) qui rassemble notamment les poids lourds Lactalis, Danone, Savencia et Bel.
"Les distributeurs jouent la montre, veulent que les entreprises se mettent à nu", a-t-il déploré en marge du Salon de l'agriculture. "On voit bien qu'on arrive au bout" du système français de négociations qui tourne au "psychodrame permanent", a encore observé François-Xavier Huard.
Les supermarchés se posent en défenseurs du pouvoir d'achat des Français, tandis que les industriels martèlent qu'ils doivent dégager suffisamment de marge pour moderniser (et décarboner) leurs usines, préserver l'emploi local ou encore "assurer une rémunération juste" aux producteurs de lait, toujours selon François-Xavier Huard.
- "Effort" -
En mars dernier, les industriels avaient obtenu une hausse d'environ 3%, avant que l'inflation galopante, liée notamment à la guerre en Ukraine, ne conduise à la réouverture de négociations pour répercuter le coût des matières premières agricoles, des emballages, puis du gaz et de l'électricité.
Inaugurant le Salon de l'agriculture samedi, Emmanuel Macron a appelé les supermarchés à "participer à l'effort", estimant que l'industrie agroalimentaire avait déjà fourni cet "effort considérable ces dernières années".
La présidente du premier syndicat agricole, la FNSEA, Christiane Lambert, a tempêté contre certaines grandes surfaces qui selon elle refusent de payer "la juste part" qui permettrait aux agriculteurs de vivre de leur travail.
Les enseignes, de leur côté, dénoncent l'absence de transparence sur les coûts de production et les demandes "délirantes" des industriels.
Selon le directeur général de la Fédération du commerce et de la distribution Jacques Creyssel, "quelques multinationales ont commencé à négocier très tardivement et cherchent à tirer parti de la situation inflationniste" pour imposer des augmentations allant jusqu'à 20%.
Ses adhérents préviennent qu'ils ne pourront pas absorber seuls ces hausses et devront les répercuter sur les consommateurs.
Pour amortir le choc sur le budget des ménages, le gouvernement envisage un dispositif de soutien "qui touche tous nos compatriotes, toutes les classes moyennes, tous les Français", a avancé, sans plus de précisions, Bruno Le Maire depuis le Salon de l'agriculture.
En matière de prix alimentaires, "il n'y aura pas de mars +rouge+, je réfute cette expression qui fait peur aux Français", a-t-il cependant martelé, "convaincu" de trouver un "accord collectif dans les jours qui viennent".
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